Motion orientation.
1 Situation économique, sociale et syndicale en France et dans le monde.
A – La situation en France ne peut être isolée du contexte mondial qui voit l’économie capitaliste aux prises avec une nouvelle crise.
Si du fait de sa puissance économique, la France semble pour l’instant échapper au sort de la Grèce ou de l’Espagne qui connaissent un chômage record et une baisse importante de leur niveau de vie, il est probable que l’Italie, la France, l’Allemagne et le Royaume Uni ne pourront échapper longtemps aux conséquences de cette crise.
La financiarisation de l’économie apparaît comme une fuite en avant, comme une série de traites tirées sur l’avenir, tandis que tous les jours se multiplient les attaques contre les acquis sociaux et la part du salaire dans la richesse produite. Déclinée différemment suivant les pays, cette situation se retrouve pourtant partout dans le monde.
B- Face à cette restructuration du capitalisme et aux attaques menées contre les prolétaires, La fausse contestation se déploie également partout, mais là aussi se décline différemment selon les pays. En Europe, on assiste une propagande effrénée en faveur de l’intervention de l’État, censé être le garant de l’intérêt général face aux intérêts privés. Le rappel incessant des soi-disant « trente glorieuses » et des bienfaits de l’État providence démontre un manque cruel de réflexion et d’invention en matière économique. Pendant ce temps, une partie croissante de la population, certes de manière encore marginale, développe des projets autogestionnaires, coopératifs, démocratiques et écologiques en matière de production, de consommation, d’échange et de vie sociale.
Dans les pays dits « émergents » ou les pays les plus pauvres de la planète, là où les confrontations sociales sont souvent plus dures, la répression plus féroce, de nombreuses initiatives et expériences tentent de trouver là aussi des chemins alternatifs au capitalisme. Pour pallier aux manques du système économique en place, les travailleurs expérimentent directement aussi sur des bases autogestionnaires, coopératives et de démocratie directe au travers de récupération d’usine, de cantine ou bibliothèques populaires, de communes libres…
C- Du côté de la CNT Solidarité Ouvrière, les buts que nous nous sommes assignés demeurent inchangés : défense au quotidien des travailleurs et des chômeurs, luttes pour le salaire et les conditions de travail, préparant une transformation sociale globale. Cette transformation sociale ne s’accomplira que par la suppression du salariat, par la collectivisation des moyens de production, de répartition, d’échange et de consommation, et le remplacement de l’État par un organisme géré à la base par l’ensemble de la société.
En revanche, s’il est indispensable de poursuivre notre reconstruction, de rebâtir des syndicats dignes de ce nom, il est tout aussi indispensable de réfléchir à notre mode d’intervention et d’expérimenter peut-être d’autres modes d’action si nous ne voulons pas continuer jouer les utilités syndicales et politiques.
L’important est de construire des réseaux de luttes à la base (sur l’emploi, l’environnement, la culture, etc.) anticapitalistes, contrôlant les délégués. Il est vital de recréer des liens, des collectifs au-delà des étiquettes idéologiques, des préjugés sectaires, et sur des pratiques libertaires réelles, d’écoute, de dialogue, de respect et de décisions prises en commun.
2- L’accord du 11 janvier 2013
L’accord signé le 11 janvier 2013 par le Medef et certaines organisations syndicales s’inscrit dans le mouvement idéologique d’une primauté de l’économique sur l’humain.
Il vise avant tout, à rendre l’économie française concurrente avec celle des pays émergents.
La seule variable d’ajustement possible reste le niveau des droits des salariés.
L’Accord vise donc avant tout à faciliter ou permettre aux entreprises d’adapter leurs effectifs au moindre coût et réduire les droits des salariés.
Contrats à duré déterminée, temps partiel, contrats de mission ou d’usage sont privilégiés.
Dans le même temps, les droits individuels des salariés sont réduits : réduction du délai de prescription pour saisir les conseils de prud’hommes afin d’obtenir réparation d’un préjudice (rappel de salaires, contestation d’un licenciement).
Plus grave encore, cet accord remet en cause la possibilité, tant pour les salariés que pour une organisation syndicale de contester un plan social et d’en obtenir l’annulation devant le TGI.
La loi de transcription de cet accord dans le Code du travail n’a pas modifié l’équilibre général de ce texte.
Que le Medef ait pu trouver des syndicats, dont la CFDT, pour signer un tel accord traduit surtout une nouvelle victoire idéologique du patronat qui réussit à imposer ses logiques à certains représentants des salariés.
C’est dans ce contexte que la place et les orientations de la CNT – Solidarité ouvrière se définissent.
3- La CNT Solidarité ouvrière et ses moyens d’action
La tradition du syndicalisme révolutionnaire a depuis longtemps placé l’outil de la grève générale au centre de ses moyens d’action, à la fois comme processus moteur d’un rassemblement des prolétaires mais également comme dispositif de perturbation pour contrer les intérêts des patrons.
Si ce moyen d’action doit toujours être considéré comme un moyen privilégié, les multiples modifications juridiques du droit du travail en faveur des patrons et la transformation radicale de la société dans les pays dits développés (d’une société ouvrière à une société tertiaire, d’une société manufacturière à une société de services) nous obligent à repenser en profondeur les méthodes d’action directe dont doit disposer le syndicat. Parce que l’impact et l’efficacité de la grève générale sont aujourd’hui mis à mal, il est nécessaire de réinventer les méthodes, les moyens, les outils de l’action directe afin de renverser de nouveau les rapports de force qui nous opposent au patronat.
Cette réinvention doit se faire autant du point de vue du collectif (un ensemble de salariés d’une même branche, d’une même entreprise, ou d’un même lieu de travail comme un chantier du bâtiment ou un centre commercial, etc.) que du point de vue individuel (un salarié isolé, seul face à son patron). Pour cela, il faut notamment diversifier les moyens d’action pour rompre avec les habitudes syndicales, habitudes que les patrons ont depuis longtemps appris à déjouer. Une utilisation offensive et coordonnée du recours au juridique peut constituer une arme pour les salariés et les syndicats.
Face notamment à la multiplication des contrats précaires qui freine toute forme de lutte collective, le syndicat doit apprendre à surpasser ces contraintes par de nouvelles formes d’action telles que le boycottage ou le sabotage, tout en considérant les limites techniques et juridiques de tels procédés. L’excès de zèle, le perfectionnisme, la volonté excessive de bien exécuter son travail sont autant de manières de ralentir ou d’entamer la rentabilité d’un salarié.
Il faut en outre adapter ces moyens d’action au contexte et à la nature du travail. Intervenir dans une usine, dans des bureaux, dans une institution publique sont autant de cas par cas qui appellent des solutions différentes.
Ces moyens d’action doivent non seulement menacer les intérêts patronaux mais également surprendre et déstabiliser les rapports hiérarchiques.
Dans ce cadre les syndicats de la CNT – Solidarité ouvrière se fixent comme objectifs :
- de favoriser une actualisation des fondements du syndicalisme révolutionnaire et de l’ anarcho-syndicalisme, en phase avec les réalités concrètes du monde du travail et de nos projet de vie;
- de « réinventer »l’action directe des travailleurs, c’est-à-dire l’action collective décidée par les travailleurs eux-mêmes ;
- de réinscrire dans les pratiques du mouvement social, des modes d’action historiques du syndicalisme, tels que boycottage et sabotage.
- de participer à la construction d’une culture propre au mouvement social dans sa diversité.
Consciente de ne pas détenir à elle seule une « vérité absolue », la CNT Solidarité ouvrière entend favoriser les convergences avec les autres forces du mouvement syndical et social, sans sectarisme et dans le respect de chacun.
Elle réaffirme son attachement à l’unité à la base, sur le fondement de la démocratie directe que constituent les assemblées générales.
4- Pour un syndicalisme global
Il est indispensable pour notre syndicalisme d’élargir les approches révolutionnaires aux grands thèmes qui traversent la vie en société.
L’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme révolutionnaire se doivent de développer leurs réflexions sur les grandes préoccupations sociétales actuelles : l’écologie, l’urbanisme, l’éducation, le consumérisme, la santé, le chômage, le racisme, le sexisme ou encore la lutte contre toute forme de dictature.