Sorti le 1er mai au cinéma, Petites mains, c’est l’histoire de plusieurs femmes de chambre d’un palace parisien qui est racontée sur le grand écran. Une chronique lutte des classes, touchante et comique, révoltée et révoltante de ces petites mains qui font les chambres et les suites des grands hôtels parisiens.
Avec en arrière-plan une grève devant l’hôtel, à l’intérieur, on passe des décors somptueux des chambres et des parties communes aux arcanes internes réservées aux salariées dans les sous-sols.
On y voit des femmes abimées par le travail, qui nettoient, frottent, passent l’aspirateur, font les lits, scrutent la moindre poussière dans une course contre la montre, avec des gestes répétitifs.
Elles sont jeunes et moins jeunes, majoritairement immigrées et en sous-traitance, qui travaillent aux côtés d’autres salarié-e-s, y compris des femmes de chambre directement embauché-e-s par l’hôtel. On y voit alors l’inégalité de traitement, la discrimination subies par les salarié-es en sous-traitance avec des statuts différents, des droits et des non-droits.
Violette, Aissata, Eva et Safiatou sont des femmes de chambre sous-traitées. Elles travaillent depuis plusieurs années, et tout ce qu’elles veulent c’est qu’on les regarde, qu’on les respecte, et qu’on revoit leur statut salarial et leurs conditions de travail. Eva, la plus jeune, vient d’arriver dans le grand hôtel, mutée d’un hôtel Ibis où elle faisait 25 chambres par jour ignorant tout des exigences des grands palaces parisiens.
Elle doit travailler avec Simone, une autre femme de chambre en interne, abimée par le travail sans pouvoir s’arrêter, car l’arrêt maladie c’est le risque d’être déclarée inapte et donc licenciée sans possibilité d’être reclassée sur le marché de l’emploi. Avec Simone, on est très loin des déclarations scandaleuses de Bruno Lemaire, sinistre de l’économie sur les « Arrêts maladie de complaisance » et de « la fraude à la sécurité sociale. »
Fragiles, ces femmes le sont toutes pour des raisons familiales et sociales différentes. Elles sont toutes contraintes d’accepter l’inacceptable ! On les voit tantôt solidaires les unes des autres, tantôt retranchées dans des postures individualistes qui visent à obtenir un petit quelque chose pour améliorer leur statut. Une grève est pourtant en cours ! Mais pourquoi diable ne la rejoignent-elles pas ? Et bien parce qu’il n’y a rien d’évident à faire grève ! Pourtant au fil du film on les voit monter en détermination et franchir le pas !
Ce film est une victoire par sa simple existence !
La simple existence d’une affiche avec des portraits de ces femmes en tenue de travail dans l’espace public est en soit un pas en avant dans la visibilisassions de ces métiers mais aussi de ces milliers de personnes qui le font en France.
200 000 salarié·es du nettoyage en Ile de France et plus de 500 000 partout en France.
Ce sont donc plus d’un demi-million de Eva, de Aissata, de Safiatou, de Fatima, de Simone, de Mariama, de Ali et de tant d’autres qui se lèvent tous les matins, frottent, nettoient, ramassent, lavent en gardant le sourire malgré les tendinites, les sciatiques, les maux de dos et j’en passe.
Cette fiction est librement inspirée des luttes réelles menées par le syndicat CGT-HPE et du syndicat CNT solidarité ouvrière, les femmes de chambre qui y étaient adhérentes, avec le soutien actif des deux animateurs syndicaux de la CGT-HPE Claude Levy et Tiziri Kandi qui figurent d’ailleurs dans le film.
On pense notamment à la grève des femmes de chambre du Park Hyatt Vendôme et de l’Ibis Batignolles. Deux luttes emblématiques et historiques d’une longue liste de grèves comme dans les hôtels Campanile, Première Classe, Holiday Inn de Clichy, et dans la gamme luxe des hôtels Hyatt qui ont permis de mettre fin à la sous-traitance dans 18 établissements et aux inégalités de traitement dans bien d’autres.
Ces grèves et ces luttes historiques ont non seulement été toutes gagnantes, mais elles ont également mis le sujet des conditions de travail des femmes de chambre en sous-traitance hôtelière au-devant de la scène politique et sociale du pays, leur permettant de sortir de l’invisibilité à laquelle elles étaient assignées.
C’est tout le mérite du film Petites mains que de participer à cette sortie de l’invisibilisation. Il faut donc de toute urgence aller le voir au Cinéma, mais aussi en parler autour de vous afin de le faire connaître très largement.