Non à l’automatisation des métiers l’art

  • Auteur de l’article STAA-CNT-SO (Syndicat des Travailleur·euses Artistes Auteur.e.s)

Comme un grand nombre d’autres travailleurs et travailleuses aujourd’hui, les artistes auteur·ices sont confronté·es à « l’automatisation » de leur métier et de leur quotidien : qu’il s’agisse d’outils visant à réaliser des tâches autrefois accomplies uniquement par les humains, d’algorithmes mis en place par l’administration ou les industries et visant à contrôler leurs comportements ou encore de plateformes d’échanges où leurs créations font l’objet d’enchères. L’humanisation permanente de la machine dans les discours médiatiques, scientifiques et politiques, le caractère dit inéluctable de l’innovation technologique en lien avec le nécessaire progrès de l’humanité, la soi-disant capacité propre à « la machine » à apprendre sans l’aide de quiconque renvoient à ce que Gunther Anders appelait le sentiment de « honte prométhéenne » ressenti par l’humain devant la perfection de la sérialité machinique.

L’automatisation est consubstantielle à l’esprit capitaliste et à l’évolution de ses différentes incarnations historiques, géographiques et sectorielles. Elle fut présente dès les premières heures de la révolution industrielle et combattue par celles et ceux qui en souffraient à l’instar des Luddites en Angleterre au début du XIXème siècle. Encore marginale alors, elle connut une véritable explosion, lorsqu’elle fut théorisée et généralisée par Norbert Wiener (inventeur de la cybernétique, qui repose sur l’humanisation de la machine) pendant la Seconde Guerre mondiale pour participer à l’effort de guerre. Elle occupe désormais le cœur de toutes nos activités d’êtres humains, notamment sous sa forme la plus aboutie « technologiquement » (autrement dit la plus aboutie dans le discours qui accompagne et sublime l’innovation, la créature chimérique issue de la recherche scientifique et du savoir-faire technique), c’est-à-dire l’Intelligence Artificielle (IA). Censée accompagner l’humain dans son devenir meilleur, ou être à son service, si l’on en croit la rhétorique qui justifie son développement, l’IA sous-tend des logiques de rentabilité, de performativité et de désintermédiation qui aboutissent d’ores et déjà à la précarisation et au remplacement à terme de celles et ceux qu’elle ne devait qu’aider initialement.

Le STAA initie sa réflexion critique sur l’automatisation des métiers de l’art à partir de la place prise par la traduction automatique, et l’intelligence dite artificielle, dans le quotidien des traducteurs et des traductrices.

La traduction n’est pas un problème à résoudre

Les logiciels et moteurs de traduction assistée par ordinateur vendent l’illusion que la technologie peut effacer la « barrière de la langue », et résoudre en un clin d’œil ce que le mythe de Babel dépeint comme un problème, une punition : la diversité des langues. Plus besoin de traducteur·ices : il suffirait maintenant de sortir son téléphone, ou de passer un texte à la moulinette d’une intelligence artificielle. Cette idée s’inscrit dans la continuité d’un mouvement historique qui vise à déléguer aux machines les tâches et le savoir-faire des humains, pour faire plus vite, moins cher, avec moins de contraintes, soi-disant pour soulager les hommes et femmes de la pénibilité du travail.

Ce qui avait commencé avec l’industrie textile en Angleterre au début du XIXème siècle, et s’était prolongé dans le taylorisme, puis dans toutes les formes d’automatisation des métiers dits « manuels », semblait ne jamais pouvoir atteindre les activités artistiques et intellectuelles. C’est sans doute pour cette raison, entre autres, que les « progrès » de la traduction automatique sont observés avec curiosité et intérêt, et parfois, dans le milieu de la traduction littéraire, avec une certaine incrédulité induite par cette illusion. On a longtemps cru, par son caractère justement « littéraire » et « artistique », que ce type de traduction serait à l’abri, inaccessible à la machine. Mais la traduction automatique est aujourd’hui de plus en plus performante et efficace, et son utilisation se répand aussi bien dans la sphère privée, au quotidien, que dans le domaine de la traduction professionnelle.

D’aucuns se rassurent en constatant que le niveau des logiciels de traduction automatique est toujours très en deçà des productions humaines. La traduction automatique produit des résultats encore très insuffisants : erreurs plus ou moins prévisibles, formulations maladroites, contresens pas nécessairement détectables si l’on ne se réfère pas au texte source (en cas de polysémie, la compréhension du contexte que seul peut avoir un humain est nécessaire pour trancher). Dans le domaine de la traduction technique et institutionnelle, ainsi qu’en traduction audiovisuelle, le recours à la post-édition – la correction par le ou la traducteur·ice d’une traduction automatique fournie par le client – est pourtant déjà extrêmement répandu.

La traduction automatique reste certes marginale dans l’édition, mais elle commence à y faire son apparition. Des maisons d’édition renommées proposent ainsi à des traducteur·ices des contrats de post-édition de textes traduits par une intelligence artificielle. Cette amputation d’une partie essentielle du métier de traducteur·ice réduit les délais et tire vers le bas les tarifs pratiqués dans la profession, déjà peu élevés.

Ce que l’automatisation fait aux traductions et aux traducteur·ices

L’appauvrissement de l’expérience des traducteur·ices

Un discours optimiste et courant présente les outils de traduction automatique comme une simple aide, qui ne viendrait mettre à mal ni le statut des traducteur·ices ni la qualité de leur travail. Or, une post-édition ne peut aboutir au même résultat qu’une traduction réalisée intégralement par un humain, dès lors que le délai et la rémunération sont réduits au nom même de cette notion de post-édition.

Cette répartition du travail sur le texte — traduction par un moteur de traduction automatisée et correction par un·e traducteur·ice — n’est pas un progrès, car elle ne tient pas compte du fait que traduire est une expérience intellectuelle et sensible qui se déroule sur le temps long, comportant des temps de recherche, de doutes et de tâtonnements.Obtenir un résultat de qualité équivalente à une traduction totalement humaine suppose de fréquenter intimement le texte source, si bien que le temps passé sur celui-ci n’est pas forcément moins long avec cette nouvelle approche – au contraire, dans certains cas, puisqu’il faut prendre du recul par rapport au premier jet de la traduction automatique (TA) dans la langue cible, lequel fait souvent écran à notre perception sensible du texte de départ. La multiplication et l’enchaînement de tâches de traduction plus courtes peuvent, paradoxalement, entraîner une perte de temps par rapport à des tâches longues.

Le morcellement du travail de traduction et la réduction du temps consacré à chaque projet relâcheront la tension du traducteur vers le texte et le déposséderont de son rapport au texte. Cette perte du lien à la globalité de la tâche, qui accompagne généralement les processus d’automatisation, cause une perte de sens aliénante pour le travailleur, comme l’illustrait déjà Chaplin dans Les Temps modernes.

La destruction d’un cadre économique et juridique de travail déjà ultra-précaire

Pour ces différentes raisons, le recours à la traduction automatique risque d’entraîner une dégradation des conditions de travail. Le gain de temps qu’est censé apporter la TA sert de prétexte à un raccourcissement des délais. La dévalorisation du travail et de son image, avec des tâches présentées comme étant faciles et donc réalisables par des machines, expose la traduction à sa dévalorisation financière. Et la logique de marché faisant souvent passer la rentabilité avant la qualité, on observera sans nul doute une baisse des exigences vis-à-vis de la qualité des traductions.

En ce qui concerne la traduction littéraire, cela ouvrirait la porte à la contestation du statut d’auteur des traducteur·ices, relégués au rang de correcteur·ices de la machine. Il ne s’agit pas d’une simple question de statut, mais bien de posture vis-à-vis du texte : en tant qu’auteur·ice, le traducteur·ice est un·e spécialiste du texte, détenteur·trice d’une connaissance précieuse, dont iel est souvent l’ambassadeur·ice.

Quid de la responsabilité d’une traduction ?

Ce changement de statut menace de nous déposséder de nos textes et des droits que nous avons sur eux, dépossession à la fois juridique et morale : qui est l’auteur·ice d’un texte en partie produit automatiquement ? Qui en est responsable ? Responsabilité vis-à-vis d’éventuelles erreurs, mais aussi responsabilité inhérente à la pratique même de la traduction, succession de choix dont certains (y compris lexicaux) constituent des prises de position littéraires, esthétiques ou politiques qui peuvent être des outils de contestation des structures d’oppression. On pense par exemple à la décision de Marie Darrieussecq de proposer une nouvelle traduction de l’essai de Virginia Woolf A room of one’s own dans laquelle elle fait le choix de traduire « room » par « lieu » plutôt que « chambre » : Un lieu à soi plutôt qu’Une chambre à soi. Un choix qui a nouvellement remis en lumière comment le biais de genre influence la pratique de la traduction – pouvant même toucher un texte pourtant pionnier du féminisme – puisque « room » peut être à la fois un espace et une chambre, la chambre convoquant cependant le domaine domestique et privé auquel la femme est généralement renvoyée dans les sociétés patriarcales.

La généralisation de l’automatisation au sein de la création intellectuelle et artistique pourrait effacer ou brouiller cette responsabilité : l’agent de la médiation n’étant plus aussi visible, ce qui relève du choix, de la décision n’est plus clairement assignable.

Ce que l’automatisation fait au monde

L’appauvrissement d’une expérience du et au monde

Nous le constatons au quotidien : à chaque fois que nous comptons sur les machines pour réfléchir ou faire à notre place, nous nous départons d’un peu de savoir et de savoir-faire, de capacités intellectuelles, cognitives. De la même façon, la transformation du travail des traducteur·ices en travail de correction de traductions automatiques les dépossède du cœur de leur métier. L’accepter, c’est priver nos sociétés de toute une expertise de la langue et des textes qui composent le socle de nos civilisations.

Et il ne s’agit pas que de la traduction à proprement parler, mais aussi des pratiques cognitives liées à la traduction : chercher, s’interroger, se souvenir… Des pratiques incompatibles avec l’impératif chimérique d’immédiateté. Les conséquences de la perte de ces pratiques, à long terme, dans un nombre croissant d’activités humaines. On peut également s’inquiéter de ce qu’entraînera la généralisation de la traduction automatique quant à l’apprentissage des langues.L’ancrage de l’enseignement de la post-édition au programme de nombreux cursus de formation en traduction présage déjà de la normalisation de ces pratiques chez une nouvelle génération de traducteur·ices. Il est essentiel d’être vigilant pour préserver à long terme un savoir-faire et un savoir-être face aux textes et à l’activité de traduction.

L’uniformisation du texte, de la langue et du langage

Les intelligences artificielles étant créées pour reproduire ce qu’elles ont analysé dans un corpus donné, l’automatisation de la traduction et de la création de textes en général annonce une uniformisation des textes et de la langue, homogénéisation qui se ferait de manière peu visible etimprévisible, sans contrôle humain. La création automatique tourne en boucle à partir de créations humaines (potentiellement de moins en moins humaines, à terme), de façon statistique sur les schémas les plus fréquents, au risque de renforcer les préjugés et de creuser l’écart de représentation entre ce qui est rare et original d’une part et les modèles dominants d’autre part. La déficience de qualité réside ainsi plus sournoisement dans le lissage et l’appauvrissement, et pas seulement dans les erreurs produites.

L’automatisation est un gouffre énergétique

Autre point crucial à prendre en compte : l’impact énergétique de l’utilisation de ces technologies. En cette période d’urgence climatique où tout appelle nos sociétés à la sobriété sur le plan énergétique, les intelligences artificielles requises pour la traduction automatisée sont incroyablement énergivores et peu efficientes. L’entraînement d’une nouvelle instance d’intelligence artificielle génère autant d’émissions carbone que cinq voitures pendant toute leur durée de vie, fabrication comprise (source : MIT Technology Review).

L’usage massif d’intelligences artificielles nécessaire à la traduction automatique est une aberration écologique qui devrait suffire à établir l’absence totale de bon sens à poursuivre dans cette direction, sachant la crise climatique à laquelle nous sommes confronté·e·s.

Est-ce l’intelligence dite artificielle qui nous menace, ou la voix de son maître capitaliste ?

N’oublions pas que les compétences des traducteur·ices humain·es ne sont pas transférées à de gentils serviteurs éthérés, n’ayant d’autre intention que celle de bien servir leurs maîtres : nous transférons, parfois à notre insu, nos compétences et notre expertise aux entreprises qui possèdent et développent les logiciels de traduction automatique. La situation de monopole de certaines entreprises développant des logiciels de TA (tout comme sur les logiciels de création artistique en général) leur laissera les mains libres pour exercer leur pouvoir sur le domaine de la création. Elles pourraient aisément avoir une emprise sur le choix des œuvres traduites (qui seraient donc largement accessibles à moindre coût, contrairement à des traductions intégralement humaines), dans quelles langues, le paramétrage des logiciels (choix lexicaux à portée politique) ;on imagine facilement le pouvoir qu’exerceraient ces entreprises sur la pensée, et le pouvoir politique dont jouiraient leurs dirigeants ou des acteurs politiques.

Contrairement à ce qu’en dit la rhétorique qui justifie son développement, l’intelligence artificielle est mise au service du marché (de la rentabilité, de l’efficacité, de l’individualisme) et non des traducteur·ices, des travailleur·euses, des êtres humains qu’elle est censée accompagner et assister ; bien au contraire, elle les précarise, les fragilise et les remplace. Cette dépossession violente de notre expertise créerait une subordination à des acteurs économiques extérieurs dont nous n’avons aucune maîtrise, alors que l’expertise que nous développons au fil des années, par notre formation et la pratique de notre travail, nous est propre et intérieure. Une fois cette dépendance instaurée, il sera difficile de revenir en arrière pour s’en défaire.

Cette subordination à une logique de marché et d’innovation pour l’innovation exige des travailleur·euses une adaptation constante à des technologies toujours renouvelées, à de nouvelles conditions de leur travail, adaptation présentée par la perspective capitaliste comme une vertu et une nécessité. Nous refusons de considérer en ces termes l’intégration de la traduction automatique : une telle adaptation reviendrait à céder à une forme de pensée qui, en humanisant la machine, machinise l’humain. Ce serait se résigner à corriger plutôt qu’à traduire et écrire, à retoucher plutôt qu’à créer ; se soumettre à un rythme, un processus et une pensée machiniques, plutôt que d’être assisté par une machine.

La marche en avant de l’innovation est alimentée par la croyance en une solution technologique à tous les « problèmes » – à toutes les complexités. Nous pensons que la mise en œuvre de chaque innovation technologique doit être précédée d’une réelle réflexion sur les conséquences et la finalité de ces outils.Ce n’est pas parce qu’une réalisation est possible qu’elle est souhaitable. Une innovation n’est pas nécessairement un progrès ; elle est susceptible de détruire et d’induire des pertes. La menace machinique qui pèse aujourd’hui de plus en plus fortement sur les métiers intellectuels relève d’une question sociétale et culturelle plus large. C’est une menace qui pèse sur notre jugement et notre réflexion, sur la richesse de nos langues et de notre pensée. Au-delà du refus de la traduction automatique, nous refusons un idéal machinique et post-politique où une efficacité soi-disant neutre primerait sur les activités et les décisions humaines.

Défense d’un métier et d’une éthique

La traduction n’est pas un problème à résoudre, c’est une création qui se nourrit de la richesse de la langue et des langues et l’alimente constamment. C’est une activité humaine, qui comporte une dimension communicationnelle, relationnelle et intentionnelle, et dont le résultat s’adresse à des êtres humains. Nous refusons de nous déposséder de cette richesse, de notre intelligence humaine dans ces domaines.

Outre l’étiolement de l’éthique de la traduction, la perte de sens de notre métier qui nous menace, c’est aussi la perte de savoir-faire, de compétences, de l’expérience, de la valeur des traductions, produites en tant que créations humaines.

Nous défendons le métier de traducteur·ices, un métier que nous avons appris, que nous pratiquons, ressentons, et tenons à exercer avec une éthique que nous refusons de sacrifier. Nous refusons de sacrifier nos apprentissages, nos expériences, nos savoir-faire, et plus largement nos existences sur l’autel de l’innovation.

Nous refusons :

  • L’amputation de l’éthique de la traduction induit par l’IA industrialisée
  • La dévalorisation symbolique et matérielle du métier de traducteur·ice
  • Le morcellement du travail de traduction induit par la post-édition
  • Le transfert de nos compétences aux industries de l’innovation pour l’innovation et le seul profit

Nous appelons à :

  • Une compréhension réelle du métier de traducteur·ice : du temps, une relation intime au texte, des conditions de travail décentes
  • Des prises de position fermes des travailleur·euses du texte à toutes les étapes de la chaîne du livre
  • Une réelle et imminente réflexion collective sur les conséquences et la finalité de ces outils/cette innovation

Artistes / Auteur-e-s : Comprendre ses cotisations

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Artistes /Auteur-e-s : Arrêt maladie

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Artistes – auteurs & autrices : rejoignez votre syndicat CNT-SO STAA !

Le Syndicat des Travailleurs Artistes-Auteurs (STAA CNT- SO) a été créé pour répondre aux problématiques rencontrées par les travailleurs et travailleuses relevant du statut d’artiste-auteur dans tous les secteurs culturels.

Malgré la diversité de nos professions, nous relevons toutes et tous du même statut dont nous subissons les limites. Des droits fondamentaux comme l’accès à l’assurance chômage ou aux congés payés nous sont refusés, car notre statut ne prévoit pas les cotisations correspondantes et nous place ainsi dans une grande précarité. Pourtant, nous sommes des travailleuses et des travailleurs au même titre que les autres ; nous voulons donc les mêmes droits.

Lorsque les cotisations existent (retraite de base et complémentaire) elles n’incluent pas de part patronale et sont supportées intégralement par l’auteur ou l’autrice, qui peine à répercuter ces frais sur les diffuseurs, lesquels tendent déjà à tirer les prix vers le bas.

Les artistes-auteurs et autrices font aujourd’hui face à de multiples problèmes, parmi lesquels les manquements de l’AGESSA dans la collecte des cotisations retraite ou la difficulté à obtenir des congés maladie ou parentaux. De plus, afin de survivre aux périodes creuses, nous devons nous tourner vers des bourses qui sont limitées, aléatoires et chronophages, plutôt que de bénéficier d’une assurance chômage commune.

La crise actuelle est particulièrement révélatrice de la faiblesse de notre statut. L’arrêt d’une bonne partie de l’industrie culturelle et l’incapacité du gouvernement à proposer une solution universelle pour aider financièrement les AA dans la crise du Covid-19 ont entraîné une chute voire une disparition de revenus pour beaucoup d’entre nous.

Il est donc temps de repenser l’ensemble de notre secteur pour permettre aux AA, qui sont les principaux créateurs et créatrices de richesse dans le secteur culturel, de survivre à ces crises et, plus généralement, de sortir de la précarité que leur impose leur statut.

C’est pourquoi le STAA appelle les artistes auteurs et autrices à se regrouper, qu’ils soient issus du secteur du livre, du théâtre, de la musique, de la danse, de l’audiovisuel, de la photographie, des arts graphiques et plastiques et de la création de logiciels, pour lutter ensemble et obtenir les mêmes droits que les autres travailleurs et travailleuses.

Nous voulons en priorité :

  • Obtenir un statut d’intermittence commun à tous les artistes auteurs.
  • Une meilleure répartition des droits d’auteur dans l’ensemble de la chaîne de diffusion
  • Mettre un terme à l’utilisation abusive du statut artiste-auteur de la part de diffuseurs voulant se dédouaner des cotisations sociales par la requalification, le cas échant, en contrat salarié.

Nous ne voulons plus vivre dans la précarité et travailler pour enrichir toujours les mêmes maillons de l’industrie culturelle. Nous devons nous montrer solidaires entre professions et lutter ensemble.

Le STAA souhaite s’appuyer sur les nombreuses associations déjà en place. Leur travail et leur expertise sont un immense atout pour nos professions.

Le STAA est l’outil que se donnent les travailleurs et travailleuses artistes-auteurs et autrices pour viser à renverser le rapport de force, améliorer leur statut professionnel, leurs conditions de travail et leurs conditions de vie.

Notre combat n’est pas isolé. Le STAA est affilié sur le plan interprofessionnel à la CNT-Solidarité Ouvrière qui œuvre pour la défense des droits de tous.tes les travailleurs.euses et porte un projet de transformation sociale révolutionnaire et autogestionnaire.

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Au festival International de la BD d’Angoulême, comme ailleurs, nous refusons d’être payé·es en visibilité

Le Festival International de la BD d’Angoulême, temps fort de la BD en France, est malheureusement une fois de plus l’occasion d’une mauvaise pratique de non-respect des droits des auteur·ices.

«Avec la SNCF et le FIBD, la BD s’affiche en gare» clame fièrement la SNCF sur son site. Les deux organismes s’enorgueillissent de soutenir ainsi la culture et la création. Mais les artistes ne sont pas rétribué·es pour ces expositions, or, le meilleur moyen de soutenir la culture, c’est encore de payer les artistes. Car il nous semble primordial de rappeler que les artistes-auteur·rices sont des travailleur·euses comme les autres et doivent, en ce sens, être rémunéré·es pour le fruit de leur travail.

Malgré les demandes légitimes d’artistes exposé·es, le FIBD, via la société organisatrice « »9eArt+ », et la SNCF, via sa filiale «gare et connexion», n’ont pas voulu respecter les préconisations, du Ministère de la Culture, arguant de la « visibilité » donnée aux œuvres exposées. Penser que la visibilité occasionne des ventes et donc des revenus pour les auteur·ices, c’est bien mal connaître la réalité du secteur : les ventes constituent en effet un très faible revenu pour ceux·celles-ci (8% du prix de vente en moyenne en BD, 5,2% en moyenne en jeunesse). Ces pourcentages ne suffisent souvent pas à amortir leur faible à-valoir et de nombreux·euses d’auteur·ices ne touchent, de fait, rien sur les ventes une fois leur avance perçue. Les revenus dits « accessoires », qu’il s’agisse d’animation d’ateliers, de rencontres ou de droit de représentation sont en réalité essentiels. En cette période difficile où trop d’artistes ont vu leurs ateliers et autres interventions annulés, ce refus de payer les artistes exposé·es les met particulièrement en danger.

Rappelons également que les artistes-auteur·ices n’ayant pas droit à l’assurance chômage, ils·elles souffrent d’une grande précarité qui les fragilise et la moindre ressource compte.

Il est anormal qu’un festival bénéficiant de subventions publiques ne respecte pas les recommandations ministérielles. Ces dernières prévoient pourtant des montants relativement modestes parfaitement envisageables dans le budget d’une exposition : ici, cent euros par artiste. Nous en appelons au Centre National du Livre, qui a su, par le passé, soutenir les auteur·ices en soumettant l’octroi d’aides aux manifestations littéraires au respect du paiement des auteur·ices invité·es en tant qu’intervenant·es. Ne devrait-il pas s’engager au côté des auteur·ices en appliquant la même politique concernant les droits de représentation ? Toute exposition doit donner lieu à rémunération pour l’artiste.

Par ailleurs, la société « gare et connexion » semble coutumière du fait : elle propose une centaine d’expositions par an et nous sommes légitimement en droit de nous demander si les artistes sont, encore une fois, « payé·es en visibilité » pour ces expositions qui bénéficient à l’image de l’entreprise. Car ce n’est pas par philanthropie que les gares installent des expositions en leur sein. Cela fait partie d’une politique de valorisation de ces lieux, dans le but, notamment, de mieux vendre les espaces commerciaux qui s’y trouvent.

Nous sommes probablement les seul·es des travailleur·euses de ce projet à y participer gratuitement. Certes, le festival a lieu cette année dans des conditions particulières, mais nous exigeons à partir de maintenant la mise en place d’une pratique simple : qu’il s’agisse d’installation, d’illustration, de photographie, toute exposition doit prévoir la rémunération du droit de représentation des artistes. Nous ne sommes pas une variable d’ajustement.

Au festival International de la BD d’Angoulême, comme ailleurs, nous refusons d’être payé·es en visibilité