Plusieurs syndicats voient l’abaissement du seuil d’ouverture des droits aux indemnités journalières, maternité, invalidité et décès – et avec lui l’abaissement de l’assiette sociale forfaitaire permettant de surcotiser à hauteur de 900 heures SMIC – comme une « régression sociale inédite ».
Nous les rejoignons concernant le « risque » que l’IRCEC se rue sur l’occasion pour obliger les artistes-auteur·ices (AA) à cotiser au RAAP (notre retraite complémentaire) dès les 600 heures SMIC, mais nous ne partageons pas leurs analyses ni leurs options politiques implicites.
Il nous semble important de combattre l’idée selon laquelle la surcotisation serait une protection pour les plus précaires d’entre nous.
Comme nous l’évoquions lors de précédentes discussions avec les représentant·es des AA, les plus précaires ne peuvent pas surcotiser. Le premier tableau dans l’article proposé par le CAAP le montre bien : 562 €, 500 €, 439 € ou 377 € sont des sommes qu’une personne au RSA ne pourra pas se permettre de dépenser dans un dispositif dont l’utilité est, en partie, aléatoire. Nous reviendrons plus tard sur ce point.
« Et la Caisse d’Action Sociale, alors ? »
Encore une fois, il est important de rétablir la vérité sur ce dispositif, certes utile pour une poignée d’AA, mais qui ne peut en aucun cas être prôné comme le font certains syndicats. Après consultation des rapports d’activités de la MDA et de l’Agessa entre 2015 et 2020, on peut se rendre compte que le dispositif de la CAS n’aide qu’une infime minorité de personnes. De plus, la part de gens concernés a diminué chaque année pour atteindre le nombre mirobolant de 27 personnes en 2020 – précisons que même en 2016, lorsque ce dispositif semblait florissant, l’aide n’a été accordée qu’à 617 AA.
On pourra nous répondre qu’il ne tient qu’aux syndicats de répandre l’information auprès de nos adhérent·es afin de faire augmenter ce nombre, mais il paraît évident que si 9 000 personnes faisaient une demande d’aide, le nombre d’AA bénéficiaires resterait minoritaire – cette aide n’est pas un puits sans fond.
De plus, pour certain·es d’entre nous, principalement les plus précaires, nous passons notre vie à faire des dossiers pour candidater à des bourses, des résidences, des aides. Outre la lourde tâche administrative, cela crée du stress dans l’attente de réponses très souvent négatives. Il nous semble peu opportun d’en rajouter une couche avec cette aide – d’autant plus que nous n’avons malheureusement pas le chiffre concernant les demandes refusées.
Le stress et l’attente concernent également les personnes qui finissent par avoir accès à cette aide : en 2014 une seule commission a eu lieu, les trois autres auront lieu en 2015, laissant ainsi des centaines d’AA précaires dans une situation passablement stressante durant un an. Rebelote en 2017, cette fois-ci aucune commission et il faudra attendre 2018 pour que les gens ayant fait la demande en 2017 aient enfin une réponse.
La surcotisation n’est donc en rien un dispositif qui permet aux plus précaires d’obtenir des droits. Il s’agit d’un dispositif aidant quasi exclusivement celles et ceux qui en ont les moyens.
Ceci étant dit, nous sommes d’accord sur le fait que la baisse d’un tiers des droits à la retraite pour les personnes surcotisant les pénalise. Toutefois, nous émettons deux doutes.
→ Concernant les IJ : lorsque qu’un·e AA a peu de revenus, il paraît risqué de surcotiser pour « prévoir » d’hypothétiques arrêts maladies dont les indemnités seront dans tous les cas très faibles.
Pour améliorer ces montants nous voulons que les diffuseurs cotisent plutôt que ne surcotisent les AA.
Contrairement aux salarié·es, en effet, nous ne touchons que 50 % de nos revenus sous forme d’indemnités journalières (80 % pour les congés maternité/paternité). Nous pensons qu’il serait avant tout urgent d’obtenir un abondement des diffuseurs qui permettrait, comme pour les salarié·es, d’atteindre 70 % à 90 % du revenu journalier de base en indemnités journalières.
→ Concernant la retraite : en l’absence de chiffres, dans quelle mesure pouvons-nous affirmer que la surcotisation a un réel intérêt ? Comparé à la CAS, un dispositif comme l’ASPA est plus sûr et plus intéressant (malgré, évidemment, bien des choses à revoir et améliorer).
De plus, comme le montrent les maigres chiffres obtenus lors d’une réunion des syndicats avec le ministère le 11 février 2022, seul·es 6,5 % des AA surcotisent en 2020, soit 14 142 personnes – les 27 ayant reçu l’aide de la CAS représentent donc 0,2 % des surcotisant·es !
La réaction de certains syndicats et les termes utilisés nous semblent donc disproportionnés. Ayant conscience que l’année 2020 n’est peut-être pas révélatrice au sujet de la CAS (même si elle peut être précurseure), nous avons calculé la proportion d’AA touchant cette aide sur d’autres années en appliquant les 6,5 % de surcotisant·es en 2020. Ce pourcentage étant une transposition de celui de 2020, ces chiffres n’ont évidemment pas une valeur scientifique mais donnent le ton : en 2019 seul·es 2,7 % des AA surcotisant·es auraient reçu l’aide de la CAS. En 2016 ce chiffre aurait péniblement atteint les 4,5 %.
Tous ces éléments nous font dire que la mobilisation actuelle et le vocabulaire employé ne sont pas appropriés et que nous n’y prendrons pas part. À nos yeux, la défense des plus précaires d’entre nous ne passe pas par la promotion de la surcotisation. Nous sommes pour une baisse des seuils afin que le plus grand nombre ait accès aux droits les plus élémentaires. Et pour que ces droits ne soient pas réduits à peau de chagrin, nous pensons qu’il est plus intéressant de militer pour que cette baisse soit accompagnée de planchers minimums de prestations (comme cela est ébauché dans une proposition de loi du PCF devant être discutée à l’Assemblée nationale en septembre ou dans cette tribune co-signée par le STAA, le SNAP CGT, le SNÉAD CGT, SUD CULTURE et La Buse).
Les chiffres proposés durant la réunion du 11 février 2022 nous indiquent que 10 000 AA de plus auront désormais accès à l’intégralité de leurs droits suite à cette modification du seuil.
Il ne tient qu’à nous de continuer à travailler pour abaisser ce seul ET de lutter pour avoir accès à des planchers.
De cette manière, les AA les plus précaires auront accès à des droits et que ces droits ne seront plus dérisoires. Outre des planchers minimums, nous demandons que les diffuseurs soient mis à contribution avec une nouvelle cotisation pouvant améliorer les prestations actuelles.
Nous serions heureux·euses de discuter de ces propositions avec vous afin que nous engagions un projet commun et sur le long terme, destiné non pas aux personnes qui peuvent mais aux personnes qui doivent avoir accès aux droits. Pour ce faire, n’hésitez pas à prendre contact avec nous ou à adhérer au Syndicat des Travailleur·euses
Artistes-Auteur·ices – CNT SO.
Le STAA
La Buse