La Loi El Khomri. Comprendre pour agir

Le code du travail en miettes

Le projet de loi sur la réforme du code du travail, au delà des aspects les plus médiatisés, constitue sur de nombreux sujets une régression considérable et inacceptable. Avec ce texte, le gouvernement remet en cause des pans entiers du droit du travail et, par l’inversion de la hiérarchie des normes juridiques, la notion même d’ordre public social. L’esprit de ce texte, c’est toujours plus de précarité et de flexibilité pour les salariés.

Malgré les annonces du gouvernement, rien de fondamental de l’avant projet n’a été remis en cause. Certes, le barème des indemnités prud’homales devient « indicatif », mais parions que demain le MEDEF obtiendra définitivement satisfaction.
Le cadre dans lequel s’examinent les difficultés pour permettre des licenciements économiques reste national.

La durée du travail et les heures supplémentaires

Le texte chamboule tout, en réécrivant l’ensemble des dispositions du code consacrées à la durée du travail. La primeur est donnée à l’accord d’entreprise qui pourra être moins favorable qu’un accord de branche.

Sont visés :
– la rémunération des temps de pause et de restauration, la mise en place des astreintes, le dépassement de la durée maximale quotidienne du travail dans la limite de 12 heures… ;
– la dérogation à la durée hebdomadaire maximale (dépassement de la durée hebdomadaire de travail de 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de 46 heures sur 12 semaines) ;
– la modulation de la durée du travail sur une période de 3 ans. A défaut d’accord, l’employeur pourra mettre en place une répartition de la durée du travail sur plusieurs
semaines :
• dans la limite de 9 semaines pour les entreprises employant moins de 50 salariés ;
• dans la limite de 4 semaines pour les entreprises de 50 salariés et plus.

Les accords d’entreprise pourront également déroger au taux de majoration des heures supplémentaires prévu par la branche. A défaut d’accord, la majoration pour heures supplémentaires reste fixée à 25 % pour les 8 premières heures, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 %.

Les congés payés et spécifiques
Le texte modifie certaines dispositions concernant les congés payés (période de prise des congés, jours de fractionnement…) et regroupe les autres congés autour de 3
thématiques :
• les congés de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle où l’on retrouve les congés pour événements familiaux, le congé de solidarité familiale et le congé de proche aidant ;
• les congés pour engagement associatif, politique ou militant qui regroupent le congé de formation économique et sociale et de formation syndicale, le congé mutualiste de formation, le congé de participation aux instances d’emploi et de formation professionnelle ou à un jury d’examen… ;
• les congés d’évolution des parcours professionnels où l’on retrouve le congé pour création ou reprise d’entreprise et le congé sabbatique.

La durée de chaque congé, le nombre de renouvellements possibles, les conditions d’ancienneté pour en bénéficier, si elles existent, et les délais de prévenance relèvent de la négociation collective. Le principe des congés reste, mais leur durée ne relève plus de l’ordre public. A défaut d’accord, les dispositions supplétives prennent le relais et sont identiques à celles prévues aujourd’hui pour l’ensemble de ces congés.

Un contrat de travail qui résiste moins bien à l’accord collectif
Le projet de loi modifie également l’articulation entre le contrat de travail et l’accord collectif lorsqu’il portera sur l’emploi, qu’il s’agisse de le préserver ou de le
développer. Dans une telle hypothèse, en cas de refus du salarié de se voir appliquer l’accord, le licenciement sera fondé sur un motif personnel et non économique comme
cela est le cas pour les accords de maintien dans l’emploi.
C’est le même dispositif que celui qui avait été mis en œuvre pour les accords d’aménagement du temps de travail des lois Aubry. La cause de la rupture est constituée par le refus même du salarié. Cette qualification est censée réduire fortement le nombre de contentieux ; elle évite aussi pour les entreprises l’obligation de prévoir des mesures de reclassement ou d’accompagnement.

Le referendum : l’arme des Patrons
Le texte sacralise aussi le référendum d’entreprise, autre idée chère au patronat. En cas d’accord d’entreprise majoritaire, signé par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés aux élections professionnelles, les syndicats minoritaires (plus de 30 %) pourront demander une consultation des salariés pour valider l’accord. Pour les patrons, c’est le moyen d’un chantage à l’emploi sur les salariés

Le gouvernement remettra le couvert dans deux ans !
Une commission d’experts et de praticiens des relations sociales sera instituée afin de proposer au gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail. La commission associe à ses travaux les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national pour aboutir à une refondation complète du code du travail dans les deux ans.

Les patrons n’ont pas fini de nous en faire baver.

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