Féminisme en milieu militant

C’est quoi porter des valeurs féministes en milieu militant ?

Lors d’une manifestation contre la réforme des retraites, un syndicaliste d’Alliance Police arborant son drapeau, fut mis hors de la manifestation par plusieurs militant.es de différents syndicats. Clairement affilié à l’extrême-droite par ses idées et ses pratiques ce syndicat n’a pas sa place dans nos manifestations. Ce serait cautionner leurs idées racistes, violentes, répressives, néo-fascistes, et il y a plutôt un consensus syndical là-dessus. Tout le monde est finalement et soulagé qu’Alliance police ne vienne plus en manifestation.

Concernant la Justice, elle peut être particulièrement répressive contre le milieu militant : il n’y a qu’à se souvenir du procès des neuf militant.es en 2016 lors du mouvement social contre la loi travail.  De même, souvenons-nous du non lieu prononcé à l’égard du gendarme qui a lancé la grenade létale GLI-F4 causant la mort de Rémi Fraisse à Sivens, ce qui a laissé amers et amères bon nombre de militant.es et plongé dans la tristesse sa famille. Oui la justice est bien souvent au service de tous les pouvoirs ou de toutes les dominations et en défaveur de ceux et celles qui luttent et protestent, en défaveur de ceux et celles dont la situation sociale est en bas de l’échelle.

Nous sommes tous et toutes allé.es à Sainte-Soline ce samedi 25 mars en dépit de l’interdiction de la manifestation par la préfète des Deux Sèvres. Nous n’avons pas eu peur de désobéir, de braver l’interdit, car on savait notre cause juste et légitime.

La justice n’est pas appropriée pour juger les violences sexuelles

Cependant, quand il s’agit de la justice de genre, là, soudain, bon nombre de militant.es deviennent très légalistes et s’arc-boutent sur la présomption d’innocence. Plainte pour viol classée sans suite, la belle affaire ! Comme 8 plaintes sur 10, sans compter toutes celles qui ne portent pas plainte : 8 femme sur 10 ne portent plainte. La justice classe souvent les plaintes de viols ainsi que les agressions sexuelles sans suite, faute de preuves. La journaliste Marine Turchi montre l’implacable machine judiciaire patriarcale dans son enquête, Faute de preuves, en 2021. Adèle Haenel le dira aussi : « La justice nous ignore, on ignore la justice ».

La justice n’est pas appropriée pour juger les violences sexuelles : elle ignore l’effet de sidération, considéré comme un accord, elle piétine la véracité du témoignage, elle favorise l’impunité des agresseurs, et ne tient souvent pas compte de la preuve par faisceau d’indices, ce que démontrent les juristes de l’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail). Ces juristes ont aidé les victimes du maire Georges Tron qui a été condamné pour viol.

Arrêtez de nous violer et de nous agresser !

Beaucoup d’hommes au pouvoir sont entachés d’accusations de violences sexuelles et conjugales et continuent leur mandat ou leur présence dans les médias : Darmanin, Abad, Quattenens, Piketty…et tant d’autres. De droite comme de gauche, l’impunité continue. Soit nous laissons faire, soit nous décidons que c’en est terminé. Le retour de bâton n’est pas pour nous mais pour les agresseurs et les violeurs.

Oui, nous féministes, femmes et minorités de genre nous demandons à ne pas être violé.es, ni agressé.e sexuellement. Arrêtez de nous violer et de nous agresser !  Le haut conseil à l’égalité femmes-hommes dresse un constat sombre pour 2023 : le sexisme perdure et ses formes les plus violentes s’aggravent. Mais à quoi servent les chiffres, puisque même des militants soit-disant éclairés n’en tiennent pas compte, les occultent, les ignorent ? Ce qui est difficile ou intenable pour nous, c’est de côtoyer des agresseurs, surtout si on a été victime de violences sexuelles, si un jour on a eu peur de l’être, si un jour on a vécu une situation sexiste, des violences conjugales, des violences intra-familiales, si on a subi des insultes sexistes, si on a accompagné des personnes victimes, ou si simplement ces violences de genre nous sont insupportables. 

Soutenir les agresseurs, les conforter dans leur violence et leur domination, ne pas prendre position, diminuer la gravité des faits reprochés, réduire au silence les victimes c’est ce qu’on appelle la culture du viol.  Celle-ci réduit au silence les victimes, les femmes, les minorités de genre et c’est la culture du viol qui rend possible et acceptable les violences. Alors qui doit partir ? Les victimes ? C’est une honte que des milieux militants soient réduits à implicitement préférer cette solution. Et on nous renvoie qu’il y a toujours plus urgent à traiter : sauver la structure ou mobiliser pour un mouvement social… « on verra ça après ».

Le féminisme s’éprouve dans la pratique et les actes. Il faut le définir mais aussi agir. C’est un défi dans cette société si patriarcale, car nous y vivons et nous sommes confronté.es régulièrement à nos limites. La culture du viol qui sévit dans nos rangs implique donc que l’on doive se positionner clairement.

Un viol, c’est un acte de guerre contre un genre

Un viol, c’est un acte de guerre contre un genre. Le viol est d’ailleurs une arme utilisée pour soumettre et terroriser dans les guerres. C’est une agression avec une arme anatomique ou des objets, un membre, des doigts. C’est une intrusion par effraction dans un corps. Cela a des conséquences aussi graves que celles vécues par les victimes d’attentat, en terme de stress post-traumatique. Et prétendre que le classement sans suite classe le problème, c’est faire l’autruche, la tête dans le sable sexiste. L’immense majorité des victimes ne s’invente pas des violences sexuelles. On ne s’invente pas des blessures de guerre de genre pour se rendre intéressant.es, et d’ailleurs ces blessures invisibles sont là, au creux de notre chair, au cœur de notre corps. Qu’en fait-on dès lors, en milieu militant ? Que fait-on de nos blessées ?

Nous ne voulons plus d’une société patriarcale où violer, agresser sexuellement, rabaisser, insulter, infliger des discriminations de genre soit toléré voire encouragé, encore moins en milieu militant dit progressiste. Nous affirmons un désir vital de société féministe, égalitaire, anticapitaliste, écologiste.

Depuis 2017 et depuis des années, nous faisons de la pédagogie mais ça n’a pas l’air d’avoir été très bien compris ! Nous ne nous laisserons pas faire, nous ne laisserons pas les victimes partir des mouvements sociaux et des milieux militants, nous sommes prêt.es à en parler, à établir des protocoles, écrire des tribunes, établir des cellules de veille, faire de l’information, des régulations, de la justice restaurative mais les agresseurs et leurs ami.es doivent comprendre que leur attitude devrait dès lors être humble et discrète, par respect et compréhension des victimes qui sont autour d’eux et elles.

Cela tombe bien, la discrétion et l’humilité, l’effacement des prises de pouvoir, laissera des places à prendre. Le pouvoir doit tourner et ne pas être confisqué par certains. Pouvoir et agression vont de paire et contre la guerre de genre, nous ne ne nous laisserons pas faire.

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