Serge Morisset, le vicomte postal, surnom dont il s’affublait depuis longtemps, est décédé dans la nuit du 3 au 4 juillet 2024, dans sa 69ème année, des suites d’une maladie qu’il combattait depuis plusieurs années. Nous tenons par ce communiqué à lui rendre hommage. Serge, toute sa vie durant, a été un militant de la guerre sociale que mènent au quotidien, les anarchosyndicalistes, syndicalistes révolutionnaires, libertaires contre le capitalisme générant guerres, génocides, discriminations sociales, racisme, antisémitisme, sexisme, périls écologiques, domination de classe et aliénation idéologique.
Avant d’être le militant anarcho-syndicalistes qu’il est devenu à la fin des années 80 en rejoignant la CNT, Serge a été réfractaire à l’armée, berger dans les Pyrénées, manœuvre, photographe. À la CNT il a joué un rôle essentiel dans la longue et dure grève des travailleurs du métro géré par la Comatec, ceci en février 1989. Ce conflit a permis à notre syndicat autogéré de franchir un cap dans le champ social, dépassant ainsi une situation encore marginale pour devenir un pôle attractif qui sera confirmé dans les luttes étudiantes de 1993, puis la longue grève contre les retraites en 1995.
Devenu facteur à Versailles Serge sera non seulement un animateur du secteur postal en Région Parisienne mais également au sein de la Fédération des PTT, présent à chaque congrès, chaque Commission Administrative Fédéral, élément essentiel pour la réalisation des bulletins Fédéraux comme La Bafouille Rebelle, ou le Brasero. Particulièrement actif il sera au cœur de la grève de 23 jours en 1999, conflit qui a perturbé la bien bourgeoise ville de Versailles durant les fêtes de fin d’année, le brasero devant le bureau de Poste faisant concurrence aux guirlandes habituelles.
Au sein du syndicat autogéré Serge a toujours été sur le front interprofessionnel car il refusait tout syndicalisme catégoriel. Ainsi nous le retrouvons parmi les rédacteurs d’un bulletin départemental, Le Chat Noir Turbulent des Yvelines, dont les colonnes reflétaient les luttes sociales locales ou internationales, avec une dose d’humour permanente. Serge est à la pointe du combat pour le droit des femmes à l’IVG, présent aux manifestations fréquentes contre les intégristes catholiques qui entendaient intimider les femmes se rendant dans des cliniques ou hôpitaux pour y recourir à l’avortement, à une époque où Christine Boutin, figure de proue de la droite catholique trainait le Combat Syndicaliste, journal de la CNT devant les tribunaux, ceci à ses dépens.
Ce combat syndical Serge l’a poursuivi après sa mutation en Touraine, y compris durant les années où la Direction des PTT a tenté vainement d’interdire notre syndicalisme dans l’entreprise, ceci entre 2006 et 2009, et la condamnation de la Poste par le Conseil d’État. Sa retraite prise il a poursuivi son engagement syndicaliste révolutionnaire, présent, malgré la maladie, au Congrès Confédéral de la CNT à Dijon en 2021, à l’issue duquel la majorité des syndicats de la Fédération des syndicats CNT-PTT a choisi de rejoindre CNT-SO, et Serge avait également fait ce choix, tout en demeurant profondément affecté par cette rupture.
Serge Morisset était une personne pétrie de culture, grand lecteur, et il maniait aussi l’écriture, travaillant les mots comme un artisan la matière, ainsi il avait participé à la création en 2020 du Cercle Culturel de Littérature Ouvrière, Paysanne et Sociale (CCLOPS) dont la revue, Fragments, a publié certains de ses textes. Une écriture où le second degré est souvent présent, l’humour, les calembours, « des actes et des paroles authentiques, l’espoir, la douleur, à fleurs de mots ». Une autre de ses facettes était la pratique de la sculpture, le « gratouillage » disait-il, de la pierre de tuffeau, et là encore jamais l’humour n’était absent.
Serge excellait dans ces échanges qui débutent aux premières heures de la soirée et s’achèvent quand l’aube pointe son nez et que les derniers débatteurs dodelinent de la tête. Le militantisme était pour lui une aventure humaine dont la véritable richesse est faite d’échanges, de joies partagées, de complicités, d’amitiés, même si parfois certaines ne résistent pas à la dureté des ruptures. Et toujours, au cœur de la réflexion comme de l’action, une lucidité constante, le souci de l’autodérision, de l’humour.
Et quel message nous envoie-t-il, nous quittant symboliquement entre les deux tours de l’élection, comme pour nous signifier une dernière fois sa profonde conviction : c’est le troisième tour social qui sera essentiel.
À Isabelle sa compagne, à Flora et Hugo, ses enfants, nous adressons nos pensées les plus fortes en ce moment particulièrement douloureux.
Syndicat National des Activités Postales et des Télécommunications, de la CNT Solidarité ouvrière
Confédération CNT-Solidarité Ouvrière