Dans le cadre de son congrès confédéral de novembre 2025, la CNT-SO a débattu et adopté diverses motions d’orientation.
Depuis sa création en 2012, la CNT-Solidarité Ouvrière autorise la Confédération et ses structures à employer éventuellement des salarié·es.
Ces salarié·es ne sont pas à proprement parler des « permanents syndicaux » dans le sens de l’usage courant du terme dans le mouvement syndical. En effet, ces salarié·es ne peuvent détenir aucun mandat collectif au sein de la CNT-SO et de ses structures, les membres des bureaux ne pouvant être appointés. Il s’agit donc d’emplois techniques et non politiques, sur des tâches :
- Nécessitant des compétences et connaissances particulières, difficilement compatibles avec le bénévolat. Cela concerne principalement aujourd’hui l’action juridique (suivi et défense individuelle des adhérent·es, aide juridique aux équipes syndicales, actions en justice notamment Prud’hommale…) mais cela pourrait concerner d’autres tâches techniques (informatique et numérique…).
- Nécessitant du temps et une régularité parfois incompatible avec la vie professionnelle et personnelle des militant·es : ouverture des locaux et permanences quotidiennes aux « horaires de bureau », secrétariat des bureaux juridiques, développement syndical sur les lieux de travail dans les horaires de service.
Les emplois de la CNT-SO ne relèvent pas non plus de la décharge syndicale, financée par les employeurs, qui éloigne les syndicalistes du terrain et favorise la bureaucratisation des organisations syndicales. Contrairement aux autres organisations syndicales, largement dépendantes du financement public pour leur fonctionnement, la CNT-SO maintient son indépendance en finançant en fond propre (cotisations, dons, condamnations juridiques…) ses emplois.
Dans l’esprit autogestionnaire qui anime la CNT-SO, ces emplois sont placés au service et sous le contrôle des adhérent·es via les Assemblées Générales des structures et les bureaux qu’elles mandatent. Il est nécessaire d’articuler ces emplois avec les activités militantes, notamment dans le cadre des structures interprofessionnelles locales (UL, UD…), et notre projet de développement syndical et de transformation sociale révolutionnaire.
Les salarié·es des structures sont souvent la première interface avec des travailleur-euses venant se syndiquer et des personnes que les syndiqué·es vont côtoyer fréquemment de par leur présence quotidienne dans les locaux. Les salarié·es de la CNT-SO ont donc un rôle d’accueil important et de transmission des informations de base sur les valeurs, pratiques et objectifs du syndicat. Dans ce cadre, il est possible de s’appuyer sur le matériel mis en service par le secrétariat com’ (tract de présentation, fascicules sur le fonctionnement du syndicat et les responsabilités des syndiqué·es…).
Action juridique
La CNT-SO emploie actuellement principalement des juristes, avec le statut officiel de défenseur syndical, ce qui n’est pas anodin alors que la plupart des syndicats travaillent plutôt avec des avocat·es. Pour nous, la question juridique doit demeurer une question syndicale et ne pas être déléguée en dehors des cas où les prérogatives d’avocat·es sont indispensables. Cela permet aux structures syndicales, avec leurs juristes, de garder la maîtrise sur la défense des adhérent·es et de l’articuler avec l’action syndicale.
Pour ne pas tomber dans un syndicalisme de service, centré sur une défense individuelle chronophage, il convient d’encadrer les modalités de fonctionnement de la permanence juridique, comme cela a été déjà fait dans certains bureaux. Cette défense juridique est strictement réservée aux adhérent-es de la CNT-SO, l’action prud’hommale est limitée aux adhérent·es strictement à jour de cotisations.
Dans ce cadre, les juristes de la CNT-SO accueillent les adhérent·es et les conseillent sur le droit du travail et syndical dans le cadre de permanences juridiques, les accompagnent pour tous les litiges pouvant les opposer à leur employeur (prise de contact avec l’entreprise, courriers, saisie de l’inspection du travail…) ou à l’État (régularisation par le travail…), organisent et mènent la défense prud’hommale si nécessaire (préparation de dossiers prudhommaux, plaidoirie au conseil des prud’hommes, coordination avec les professionnels du droit, avocat·es, huissiers…). Au niveau des Unions Régionales, il convient cependant de ne pas faire reposer la défense prud’hommale uniquement sur nos salarié·es juristes mais aussi sur un réseau local militant de défenseur-eusses syndicaux ou conseiller-ères du salarié.
Cette action juridique doit garder un objectif syndical, en reliant le problème individuel à la question collective. Ainsi il sera toujours demandé au salarié reçu en permanence juridique si ses collègues subissent les mêmes problématiques, veulent aussi se défendre et rejoindre le syndicat… Les procédures collectives, notamment aux Prud’hommes doivent être privilégiées quand elles sont possibles.
Notre pratique juridique est offensive et est un instrument primordial pour faire respecter les droits des travailleur·euses. Cependant l’action juridique ne doit pas être un frein ou une limitation ! Le droit est un outil très utile mais il n’est que la matérialisation d’un rapport de force collectif présent ou passé. Quant-il est insuffisant pour répondre aux problématiques individuelles ou collectives, il est nécessaire de passer à l’action syndicale. Contrairement à un·e avocat·e, le-la juriste de la CNT-SO ne basera pas ses réponses uniquement sur les critères du droit mais pourra apporter conseils et expérience sur ce qui peut être formulé en termes de revendications, dans le cadre de négociations ou d’un mouvement social.
Les juristes assurent l’accompagnement des équipes syndicales avec le suivi des dossiers en droit collectif du travail (en lien avec les CSE, les élections professionnelles, les conflits du travail…). Ils sont notamment un appui précieux en cas de litiges avec un employeur sur le droit syndical ou encore en cas de grève, en apportant des conseils ou en assistant les équipes lors des négociations et de la rédaction de protocoles de fin de conflit avec les employeurs.
Nous constatons que les travailleur·euses nous ayant rejoint dans la dernière décennie n’ont pas eu majoritairement d’expérience de l’action syndicale ou de la défense de leurs droits auparavant. Les juristes peuvent jouer un rôle important dans la formation des adhérent·es dans les champs qui relèvent de leurs compétences (droit du travail et syndical…) en lien avec les bureaux et équipes militantes locales. Une collaboration est aussi importante avec les équipes militantes mandatées pour la production de matériel d’information et de mobilisation syndicale à destination des adhérent·es : fiches ou tutoriels d’auto-défense syndicale, capsules vidéo sur le droit du travail…
Développement et animation syndicale
Depuis sa création, la CNT-SO, a eu recours au salariat pour des missions de développement et d’animation syndicale, en particulier lors de la création des nouveaux bureaux en région comme à Lyon ou Marseille. Historiquement ces missions ont souvent été confiées à des camarades ayant déjà en charge l’action juridique, dans des postes hybrides. Ce modèle a fait ses preuves mais il est également possible de découpler ces missions dans des emplois dédiés. Dans ce cas, il est conseillé d’avoir pour un bureau local, un poste juridique associé à un autre poste de développement/animation.
Encore une fois, nous sommes confrontés à un nombre croissant de primo-syndiqué-es, auparavant éloigné·es de l’action collective et syndicale qu’il est nécessaire d’accompagner. Il ne s’agit pas de faire « à la place de » mais de former par la pratique et de développer une culture autogestionnaire qui ne peut pas être spontanée alors que nous vivons au contraire dans une société autoritaire où de nombreuses fonctions notamment politiques sont déléguées.
Dans ce cadre, en lien avec les bureaux et militant·es, les salarié·es en charge du développement et de l’animation syndicale :
- assurent des permanences dans nos locaux et accueillent les adhérent·es ;
- soutiennent, quand c’est nécessaire, l’action des équipes syndicales en participant à l’animation des Assemblées Générales de section, en aidant à établir des revendications et du matériel de mobilisation ;
- participent à l’animation des mouvements de grève et à la coordination du soutien extérieur, pour ne pas laisser les grévistes faire face seul·es aux événements C’est particulièrement utile notamment face à la répression policière ou patronale. La présence de militant·es et salarié·es du syndicat sur les piquets permet aussi d’aider les grévistes à éviter les parasitages du cadre collectif, stratégies et modalités d’action décidés par les équipes en lutte ;
- mènent des actions de développement syndical, en lien avec les campagnes de syndicalisation actées au niveau local ou Confédéral. Ces actions consistent à aller à la rencontre directe des salarié·es avec des tournées sur les lieux de travail. Plutôt que de se servir de matériel généraliste, il est conseillé dans ce cas d’utiliser du matériel spécifique pour les métiers ou lieux de travail ciblés ce qui permet en général une accroche plus facile. Localement ou par secteur d’industrie, il convient de fournir du matériel adapté (cartes de visites, tracts revendicatifs sectoriels, tuto et info sur les droits…). Pour plus d’efficacité, les tournées de développement sont organisées de manière régulière, systématiques et ciblées sur un territoire (par exemple, viser les femmes de chambre de tous les hôtels d’une localité).;
- participent à la formation des adhérent·es (animation de la vie syndicale sur le lieu de travail, les actions collectives contre l’employeur, travail sur la prise de parole…).
La présente motion ne prétend pas être un guide exhaustif de l’action des salarié·es employé·es par les structures de la CNT-SO mais peut servir de base de fonctionnement, adaptable suivant les réalités locales et professionnelles et les besoins des syndiqué·es.
Une réflexion stratégique pourra être menée par ailleurs sur l’architecture des emplois et leur déploiement dans le cadre du développement de la Confédération et de ses structures.
