Le Festival International de la BD d’Angoulême, temps fort de la BD en France, est malheureusement une fois de plus l’occasion d’une mauvaise pratique de non-respect des droits des auteur·ices.
«Avec la SNCF et le FIBD, la BD s’affiche en gare» clame fièrement la SNCF sur son site. Les deux organismes s’enorgueillissent de soutenir ainsi la culture et la création. Mais les artistes ne sont pas rétribué·es pour ces expositions, or, le meilleur moyen de soutenir la culture, c’est encore de payer les artistes. Car il nous semble primordial de rappeler que les artistes-auteur·rices sont des travailleur·euses comme les autres et doivent, en ce sens, être rémunéré·es pour le fruit de leur travail.
Malgré les demandes légitimes d’artistes exposé·es, le FIBD, via la société organisatrice « »9eArt+ », et la SNCF, via sa filiale «gare et connexion», n’ont pas voulu respecter les préconisations, du Ministère de la Culture, arguant de la « visibilité » donnée aux œuvres exposées. Penser que la visibilité occasionne des ventes et donc des revenus pour les auteur·ices, c’est bien mal connaître la réalité du secteur : les ventes constituent en effet un très faible revenu pour ceux·celles-ci (8% du prix de vente en moyenne en BD, 5,2% en moyenne en jeunesse). Ces pourcentages ne suffisent souvent pas à amortir leur faible à-valoir et de nombreux·euses d’auteur·ices ne touchent, de fait, rien sur les ventes une fois leur avance perçue. Les revenus dits « accessoires », qu’il s’agisse d’animation d’ateliers, de rencontres ou de droit de représentation sont en réalité essentiels. En cette période difficile où trop d’artistes ont vu leurs ateliers et autres interventions annulés, ce refus de payer les artistes exposé·es les met particulièrement en danger.
Rappelons également que les artistes-auteur·ices n’ayant pas droit à l’assurance chômage, ils·elles souffrent d’une grande précarité qui les fragilise et la moindre ressource compte.
Il est anormal qu’un festival bénéficiant de subventions publiques ne respecte pas les recommandations ministérielles. Ces dernières prévoient pourtant des montants relativement modestes parfaitement envisageables dans le budget d’une exposition : ici, cent euros par artiste. Nous en appelons au Centre National du Livre, qui a su, par le passé, soutenir les auteur·ices en soumettant l’octroi d’aides aux manifestations littéraires au respect du paiement des auteur·ices invité·es en tant qu’intervenant·es. Ne devrait-il pas s’engager au côté des auteur·ices en appliquant la même politique concernant les droits de représentation ? Toute exposition doit donner lieu à rémunération pour l’artiste.
Par ailleurs, la société « gare et connexion » semble coutumière du fait : elle propose une centaine d’expositions par an et nous sommes légitimement en droit de nous demander si les artistes sont, encore une fois, « payé·es en visibilité » pour ces expositions qui bénéficient à l’image de l’entreprise. Car ce n’est pas par philanthropie que les gares installent des expositions en leur sein. Cela fait partie d’une politique de valorisation de ces lieux, dans le but, notamment, de mieux vendre les espaces commerciaux qui s’y trouvent.
Nous sommes probablement les seul·es des travailleur·euses de ce projet à y participer gratuitement. Certes, le festival a lieu cette année dans des conditions particulières, mais nous exigeons à partir de maintenant la mise en place d’une pratique simple : qu’il s’agisse d’installation, d’illustration, de photographie, toute exposition doit prévoir la rémunération du droit de représentation des artistes. Nous ne sommes pas une variable d’ajustement.