La secrétaire d’État à l’éducation prioritaire, Nathalie Elimas, a lancé fin novembre par voie de presse, une nouvelle bataille contre l’éducation prioritaire qui intervient dans un contexte social dégradé.
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La crise sanitaire s’accompagne d’une crise sociale, plongeant des milliers de familles dans la précarité. Dans les quartiers populaires, le choc est particulièrement rude et il n’est pas rare que les personnels doivent exercer leur solidarité pour subvenir aux besoins de familles.
Pour les élèves, pour beaucoup déjà en proie à des difficultés scolaires, le printemps aura été synonyme de décrochage ou d’efforts titanesques pour tenter de suivre l’école virtuelle, qui ne fait pas sens en dehors du collectif. La rentrée de septembre sans moyens supplémentaires en contexte COVID n’a fait que renforcer la tendance. En toute logique, c’est le moment choisi par le gouvernement pour attaquer l’éducation prioritaire !
Non à la contractualisation !
Dès septembre 2021, les académies d’Aix-Marseille, de Lille et de Nantes vont servir de laboratoires de la future réforme envisagée pour 2022 (dans la continuité du rapport Azéma-Mathiot de 2019).
La généralisation de la concurrence entre les établissements continue avec des moyens qui ne seraient plus alloués de manière systématique sur la base d’une labélisation. Des « contrats » de trois ans entre les établissements et les rectorats vont être mis en place, sur la base de projets apportant en contrepartie des moyens « à la carte » (heures d’enseignement, moyens de formations, dotation pour fonds sociaux…). Leur condition d’attribution reste à ce jour floues comme les établissements concernés. Les établissements REP, les anciens lycées ECLAIR mais aussi certains établissements ruraux, seraient visés. Nouveauté, les établissements privés feraient également leur entrée dans l’éducation prioritaire, renforçant leur attractivité et la ségrégation scolaire, en captant des moyens publics !
Les établissements REP+ seraient épargnés pour l’instant, mais pour combien de temps ? Quand on déshabille Pierre pour habiller Paul, tout le monde est perdant. Déjà dans le contexte de suppressions de postes dans le secondaire, ces établissements ont vu fondre leur dotation ces dernières années. C’est encore l’austérité qui guide ce projet. On supprime des moyens à ceux et celles qui en ont le plus besoin !
Dans les Académies expérimentatrices, la réforme va se faire à marche forcée. Les établissements ont jusqu’au 16 décembre pour faire remonter leurs projets. Un arbitrage national est prévu mi-janvier par la DGESCO pour la validation des contrats alors que personne ne connaît encore le contour du projet ! Encore une fois la méthode illustre un mépris inadmissible envers les personnels et usager·ère·s !
Mobilisons-nous pour une éducation prioritaire élargie et cadrée nationalement !
Seule la lutte paie ! En 2015 et 2016, la lutte dans l’académie d’Aix-Marseille a permis pour les ex-lycées ECLAIR, le maintien de l’indemnité pour les personnels qui en bénéficiaient et la possibilité de dédoubler les effectifs en classe.
Nous appelons les personnels à organiser des HIS, à se rassembler en AG, à lancer des caisses de grève pour les collègues les plus précaires. Seul un mouvement massif, unitaire nous permettra de faire reculer le ministère !
La CNT-Solidarité Ouvrière revendique :
- – une carte nationale élargie intégrant les lycées, basée sur des données sociales et pédagogiques objectives
- – le maintien des indemnités et leur extension à tous les personnels
- – une augmentation massive des moyens et la création de postes (titulaires) d’enseignants de personnels de vie scolaire, de personnels médicaux-sociaux, de personnels administratifs
- l’augmentation des salaires et la baisse du temps de travail
- un plan d’investissement matériel pour les établissements, en lien avec les collectivités
Pour lutter (réellement!) contre les inégalités sociales : luttons pour une école émancipatrice !
Contrairement à l’objectif affichée par l’école républicaine depuis longtemps, l’institution n’arrive pas à lutter contre les inégalités sociales, au contraire, elle les renforce. On nous parle de compétences depuis des années, mais c’est les compétences d’adaptabilité au capitalisme moderne qui sont visées. Aux uns, l’apprentissage aux « métiers du futur », aux autres les tâches de manutention et les métiers peu rémunérés. Il est plus que temps de transformer l’école afin qu’elle lutte contre les inégalités sociales. Pour cela il faut investir massivement. Une vraie politique d’éducation prioritaire est nécessaire (voir notre analyse précédemment), tout comme la relance et le renforcement des RASED. Il faut recruter (avec le statut de titulaire !) en urgence : enseignant·e·s, AED, AP, AESH, psy-EN, assitant·e·s de service social, etc. Il faut stabiliser les équipes en revalorisant les salaires et améliorant le bien être au travail des personnels. Il faut repenser la formation initiale et continue des personnels : formons-les, formons-nous entre pairs, à la lutte contre les inégalités ! Si l’école s’affiche volontairement inclusive dans les communications officielles du ministère, cela ne doit pas rester une formulation abstraite. L’école doit être révolutionnée : recruter c’est permettre de dédoubler les classes, et travailler avec des effectifs réduits c’est travailler mieux. Il faut se tourner vers les pédagogies coopératives (et s’y former!) pour inventer une autre école : une école qui pourrait valoriser les savoirs non académiques des élèves, une école qui construit des savoirs utiles, émancipateurs et ouverts sur le monde. Il faut en finir avec les programmes encyclopédiques mais s’ouvrir sur la société, arrêter d’être hors sol. Le travail dans les classes et hors les murs doit pouvoir s’adapter au cheminement singulier de l’élève, favoriser la joie d’apprendre, et utiliser l’évaluation comme outil formateur. Nous en sommes persuadé·e·s, l’école luttera (enfin!) réellement contre les inégalités, lorsqu’elle se dotera également d’objectifs pédagogiques émancipateurs. Enfin, l’école doit s’ouvrir et accueillir les parents et les laisser prendre place dans l’institution.