Comme chaque année, une veille sanitaire a lieu entre le 01er juin et le 15 septembre pour prévenir les risques liés aux fortes chaleurs et épisodes caniculaires. Ces phénomènes météorologiques affectent aussi nos conditions de travail et peuvent mettre en danger notre sécurité. Faisons valoir nos droits : cet article fait le point sur les protections prévues pour la santé des travailleurs-euses. En cas de problème, n’hésitez pas à prévenir le syndicat !
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N’oublions pas qu’il ne s’agit que de droits minimums ! Même si la législation commence à évoluer, le droit du travail ne précise toujours pas de seuils de température clairs sur le lieu de travail pour déclencher des mesures de protection ! En conditionnant certaines mesures de protection en fonction des périodes officielles de vigilances Météo France, il en limite aussi la portée. Nous devons revendiquer des protections encore plus fortes face à des phénomènes météos toujours plus intenses et précoces ! (Voir notre communiqué : Le droit du travail n’est toujours pas « plus chaud que le climat » ! )
L’application effective des mesures existantes, dépend aussi beaucoup de l’action de terrain des équipes syndicales : organisons-nous !
En plus des dispositions spécifiques déjà existantes, à compter du 1er juillet 2025, un nouveau chapitre du code du travail entre en vigueur concernant la « prévention des risques liés aux épisodes de chaleurs intenses » (articles R4463-1 à R4463-8 du code du travail).
Voir ci-dessous les mesures qui s’imposent aux employeurs dans le cadre du droit du travail et de différents textes réglementaires.
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Les niveaux de vigilance météorologique :
Le dispositif de vigilance spécifique élaboré par Météo-France pour le compte de l’Etat, signale le niveau de danger de chaque vague de chaleur selon l’échelle de couleur suivante (Arrêté du 27 mai 2025 ) :
- « vigilance verte » correspondant à la veille saisonnière sans vigilance particulière ;
- « vigilance jaune » correspondant à un pic de chaleur : exposition de courte durée (1 ou 2 jours) à une chaleur intense présentant un risque pour la santé humaine, pour les populations fragiles ou surexposées, notamment du fait de leurs conditions de travail ou de leur activité physique. Il peut aussi correspondre à un épisode persistant de chaleur : températures élevées durablement (indices bio-météorologiques (IBM) proches ou en dessous des seuils départementaux) ;
- « vigilance orange » correspondant à une période de canicule : période de chaleur intense et durable pour laquelle les indices bio-météorologiques atteignent ou dépassent les seuils départementaux, et qui est susceptible de constituer un risque sanitaire pour l’ensemble de la population exposée, en prenant également en compte d’éventuels facteurs aggravants (humidité, pollution, précocité de la chaleur, etc.) ;
- « vigilance rouge » correspondant à une période de canicule extrême : canicule exceptionnelle par sa durée, son intensité, son extension géographique qui présente un fort impact sanitaire pour l’ensemble de la population ou qui pourrait entraîner l’apparition d’effets collatéraux, notamment en termes de continuité d’activité.
Au sens du code du travail : « l’épisode de chaleur intense » est compris dans les seuils de vigilance jaune, orange et rouge; les « périodes de canicule » sont comprises dans les seuils de vigilance orange et rouge.
Pour s’informer, voir la : carte de vigilance Météo France
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A savoir : la canicule est déclarée en cas de dépassement de seuils de température le jour et la nuit pendant 3 à 5 jours d’affilé. Attention, ils sont différents suivant les départements (Voir le tableau joint).
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Mesures à appliquer pour les employeurs
Les employeurs doivent prendre les mesures nécessaires visant à assurer la sécurité et protéger la santé des travailleur·euses de leurs établissements (articles L. 4121-1 et suivants). Cela doit tenir compte des conditions thermiques et des effets des épisodes de chaleur intense et caniculaires.
Tout employeur doit :
- Intégrer au « document unique » (DUERP) l’évaluation des risques liés à l’exposition des travailleurs à des épisodes de chaleur intense, en intérieur ou en extérieur. Si un risque est identifié, des actions et mesures de prévention doivent être engagés par l’employeur (article R4463-2 en vigueur au 01er juillet 2025). Ces actions sont consignées dans le DUERP pour les entreprises de moins de 50 salarié·es ou font l’objet d’un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail pour les entreprises de plus de 50 salarié·es (Article L4121-3-1).
L’article R4463-3 du code du travail (en vigueur au 01er juillet 2025), précise les mesures de réduction des risques liés à l’exposition aux épisodes de chaleur intense de la manière suivante :
1° La mise en œuvre de procédés de travail ne nécessitant pas d’exposition à la chaleur ou nécessitant une exposition moindre ;
2° La modification de l’aménagement et de l’agencement des lieux et postes de travail ;
3° L’adaptation de l’organisation du travail, et notamment des horaires de travail, afin de limiter la durée et l’intensité de l’exposition et de prévoir des périodes de repos ;
4° Des moyens techniques pour réduire le rayonnement solaire sur les surfaces exposées, par exemple par l’amortissement ou par l’isolation, ou pour prévenir l’accumulation de chaleur dans les locaux ou au poste de travail ;
5° L’augmentation, autant qu’il est nécessaire, de l’eau potable fraîche mise à disposition des travailleurs ;
6° Le choix d’équipements de travail appropriés permettant, compte tenu du travail à accomplir, de maintenir une température corporelle stable ;
7° La fourniture d’équipements de protection individuelle permettant de limiter ou de compenser les effets des fortes températures ou de se protéger des effets des rayonnements solaires directs ou diffusés ;
8° L’information et la formation adéquates des travailleurs, d’une part, sur la conduite à tenir en cas de forte chaleur et, d’autre part, sur l’utilisation correcte des équipements de travail et des équipements de protection individuelle de manière à réduire leur exposition à la chaleur à un niveau aussi bas qu’il est techniquement possible.
Ces mesures doivent être mises en place par l’employeur lors de la survenue des épisodes de chaleur intense (article R4463-7 en vigueur au 01er juillet 2025).
- Dans le secteur du BTP, mettre à disposition un local de repos adapté aux conditions climatiques ou aménager le chantier de manière à permettre l’organisation de pauses dans des conditions de sécurité équivalentes (Article R4534-142-1). Mettre à disposition des travailleur·euses trois litres d’eau potable et fraîche au minimum par jour et par salarié·e (Article R4534-143).
- Dans les travaux forestiers, mettre à disposition des intervenant·es une quantité d’eau potable suffisante pour assurer leur propreté individuelle (Article R717-84-1 du code rural et de la pêche maritime); mettre à disposition de l’eau potable et fraîche, au moins trois litres par jour par intervenant en absence d’eau courante (Article R717-84-2 – Code rural et de la pêche maritime); mettre à disposition un moyen de s’abriter lorsque les conditions météorologiques le nécessitent (Article R717-84-4 du Code rural et de la pêche maritime) sauf sur les chantiers d’accès difficile où des mesures d’adaptation doivent être mises en place par l’employeur (Article R717-84-5 du Code rural et de la pêche maritime).
- Mettre à disposition de l’eau potable et fraîche (Article R4225-2). En cas d’épisode de chaleur intense, l’eau doit être fournie de manière suffisante, à proximité des postes de travail notamment extérieurs et maintenue au frais toute la journée (Article R4463-4 en vigueur au 01er juillet 2025);
- Aménager les postes de travail en extérieur de manière à protéger les travailleur·euses contre les effets des conditions atmosphériques (Article R4225-1).
- Renouveler l’air de façon à éviter les élévations exagérées de température, dans les locaux de travail fermés où les travailleur·euses sont appelés à séjourner (Article R4222-1).
- Prévoir des modalités de signalement pour les atteintes à l’intégrité physique liées aux fortes chaleurs (indice physiologique préoccupant, situation de malaise ou de détresse) et de secours et de les faire connaître auprès des travailleur·euses (Article R4463-6).
- Porter une attention particulière aux jeunes travailleur·euses. Rappel : Un jeune (moins de 18 ans) ne peut pas effectuer des travaux l’exposant à une température extrême pouvant nuire à la santé, par exemple, travaux extérieurs sur les chantiers (Article D4153-15).
- Porter une attention particulière aux salariées vulnérables dont les femmes enceintes. Rappel : la salariée enceinte peut être affectée temporairement dans un autre emploi, à son initiative ou à celle de l’employeur, si son état de santé médicalement constaté l’exige (Article L1225-7).
- Mettre en place des mesures de prévention spécifique, en lien avec le service de prévention et de santé au travail, pour les travailleur·euses, particulièrement vulnérables aux risques liés à l’exposition aux épisodes de chaleur intense, en raison de l’âge ou de maladie (article R4463-5 en vigueur au 01er juillet 2025).
Par ailleurs, des préconisation détaillées de mesures de prévention et d’aménagement de l’organisation du travail face à la chaleur, sont disponibles sur le site de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité). L’INRS considère que les valeurs de 30 °C pour une activité sédentaire et 28 °C pour un travail nécessitant une activité physique peuvent être utilisées comme repères pour agir en prévention.
A savoir : la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) recommande de faire évacuer le personnel des bureaux quand les conditions d’hygiène et de sécurité deviennent mauvaises, avec un seuil de température résultante fixé à 34° l’été et 14° l’hiver (recommandation CNAM R.226).
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Mesures à appliquer en cas d’alerte « vigilance rouge » par Météo France
Il appartient à l’employeur, au titre de son obligation de sécurité, de procéder en phase de vigilance rouge à une réévaluation quotidienne des risques encourus par chacun des salariés en fonction :
- de la température et de son évolution en cours de journée ;
- de la nature des travaux devant être effectués, notamment en plein air ou dans des ambiances thermiques présentant déjà des températures élevées, ou comportant une charge physique;
- de l’âge et de l’état de santé des travailleur·euses.
En fonction de cette réévaluation des risques :
- Les mesures d’aménagement des postes de travail, de la charge de travail, des horaires et plus généralement de l’organisation du travail, doivent être ajustées pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs pendant toute la durée de la période de vigilance rouge. Une attention particulière doit être portée aux femmes enceintes, aux personnes souffrant de pathologies chroniques ou en situation de handicap, etc. en lien avec le SPST ;
- Si l’évaluation fait apparaître que les mesures prises sont insuffisantes, notamment pour les travaux accomplis à une température très élevée et comportant une charge physique importante (travaux d’isolation en toiture ou de couverture, manutention répétée de charges lourdes…) l’employeur doit alors décider de l’arrêt des travaux.
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Recours des salarié·es au regard de la mise en œuvre des mesures incombant à l’employeur
Si vous constater :
- qu’aucune disposition n’a été prise sur votre lieu de travail;
- que les mesures mises en œuvre apparaissent possiblement insuffisantes au regard des conditions climatiques constatées;
- que l’employeur refuse les demandes d’aménagement formulées, en premier lieu, s’agissant de la mise à disposition d’eau fraîche et de locaux suffisamment aérés.
Il est alors nécessaire de saisir l’inspection du travail et suivant la taille de l’établissement, saisir également le CSE ou à défaut le délégué du personnel.
Dans ces conditions, l’exercice du droit d’alerte et de retrait peut aussi être envisagé (contacter le syndicat auparavant).
Rappel : selon les articles L.4131-1 du code du travail, le travailleur dispose d’un droit d’alerte et de retrait en cas de danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé. Il alerte immédiatement l’employeur à propos de toute situation de travail laissant supposer qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il peut se retirer d’une telle situation sans encourir de sanction ni de retenue sur son traitement ou son salaire. Le délégué du personnel ou représentant du personnel au CSE dispose lui aussi de ce droit d’alerte de l’employeur (article L.4131-2).
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Indemnisation ou récupération des heures perdues pour cause de canicule
En cas d’activation de la vigilance orange ou rouge, ces dispositifs peuvent bénéficier aux travailleur·euses avec les modalités suivantes :
Récupération des heures non travaillées
Les dispositions relatives à la récupération des heures perdues pour cause d’intempéries peuvent être mobilisées. A défaut d’accord, la récupération des heures doit être effectuée sous douze mois et ne peut avoir pour effet d’augmenter la durée du travail de plus d’une heure par jour, ni de plus de 8 heures par semaine.
Attention la récupération des heures perdues n’est pas compatible avec le dispositif d’activité partielle !
Recours au dispositif d’activité partielle
Un employeur contraint de réduire ou suspendre temporairement son activité en raison d’une vague de chaleur peut déposer une demande d’activité partielle auprès de la DDETS (article R. 5122-1 du code du travail). Pour en savoir plus sur les implications pour les salariées, voir ici.
Dispositif spécifique pour les entreprises du BTP
En cas d’interruption du travail, les employeurs doivent s’adresser prioritairement à la caisse régionale de congés intempéries du BTP (CIBTP) (Articles L5424-6 et s. et article D5424-7-1 du code du travail). Pour connaître le cadre de l’indemnisation intempérie dans le BTP : voir ici.
Attention : les deux derniers dispositifs évoqués ci-dessus ne sont pas cumulables !
Canicule et droit de retrait en jurisprudenceBien qu’aucune règle et qu’aucune température limite ne soient précisées dans le Code du travail, il est reconnu qu’au-delà de 28 °C pour les activités en extérieur et nécessitant un effort physique le droit de retrait du salarié, sans mise en place du plan canicule par l’employeur, est justifié. Pour les salariés travaillant dans des bureaux et avec une activité sédentaire, et toujours sans application du plan canicule, le niveau est fixé à 30 °C.
Divers salariés travaillant dans un atelier avaient exercé leur droit de retrait après avoir subi une première journée de travail à 39° la veille et avoir constaté qu’il faisait déjà 29° à 6h30 du matin. Les juges du fond, pour contraindre l’employeur à rémunérer la période correspondant au retrait des salariés retiennent les températures précédemment énoncées ainsi que certaines mesures visant à lutter contre les fortes chaleurs auraient été prises tardivement par l’employeur. La cour de cassation casse l’arrêt au motif que ce simple constat est « impropres à caractériser que les salariés avaient, au moment où ils avaient cessé le travail, un motif raisonnable de penser que la situation présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, le conseil de prud’hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4131-1 à L. 4131-3 du code du travail » (5 avril 2018, Cour de cassation, chambre sociale, Pourvoi n° 16-26.802). |