Coronavirus : exercer son droit de retrait dans l’Education

Malgré les oppositions face à une réouverture des établissements, plus politique et économique que sanitaire, le ministère est encore passé en force, s’estimant couvert par un protocole sanitaire difficilement applicable et encore moins viable pédagogiquement. Il est important pour les personnels et les équipes syndicales de connaître les droits et le cadre réglementaire dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité. Tour d’horizon avec ce tuto d’auto-défense syndicale centré sur la question du « droit de retrait » et des différents outils dans le domaine Santé-Hygiène-Sécurité. Ce droit individuel ne s’oppose pas bien sûr à l’action collective ! Mobilisons-nous pour la défense de nos droits, le bien-être la santé des personnels comme élèves !

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LE DROIT DE RETRAIT

Comme les salarié·e·s du secteur privé, les agents publics disposent aussi individuellement du droit de retrait. Les textes réglementaires (voir les sources) sont la transposition des protections prévues dans le code du travail. 

CONCRÈTEMENT COMMENT CELA  SE PASSE-T-IL ? 

Le droit de retrait s’exerce si un·e agent·e a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection .

Le danger grave se caractérise par un risque d’accident ou de maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée. Le danger imminent se caractérise par le fait qu’il peut se réaliser brutalement dans un délai rapproché. En cas de doute demandez au syndicat !

L’agent·e alerte immédiatement son supérieur hiérarchique et se retire de la situation de danger. Attention, le droit de retrait ne doit pas créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (collègues et usager·ère·s).

Nous conseillons de faire cette alerte par écrit et de préférence en utilisant les documents mis à disposition des personnels  :
– Registre de santé et de sécurité au travail qui doit être mis à disposition des agent·e·s dans chaque service (un exemplaire doit être aussi accessible au public). Tout avis figurant sur ce registre doit être daté et signé et comporter : l’indication des postes de travail concernés, la nature du danger et sa cause, le nom de la ou des personnes exposées, les mesures prises par le chef de service pour y remédier.
– Registre de signalement d’un danger grave et imminent tenu par le chef de service. 
(Si toutefois ces registres ne sont pas disponibles dans les établissements, les fiches correspondantes se trouvent sur Internet, consultez notamment les pages SHCT académiques)

A noter que l’agent·e peut aussi saisir un·e représentant·e au CHSCT compétent.
Un·e représentant·e qui constate une cause de danger grave et imminent peut aussi lancer une alerte sans avoir été saisi par un agent.

A la suite de l’alerte, l’autorité administrative doit procéder immédiatement à une enquête et informer le CHSCT compétent. En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le CHSCT est réuni dans les 24 heures. L’inspecteur du travail est informé de cette réunion et peut y assister. L’administration décide des mesures à prendre après avis du CHSCT. En cas de désaccord entre l’administration et le CHSCT, l’inspecteur du travail est obligatoirement saisi.

L’administration ne peut pas demander à un agent de reprendre son poste si un danger grave et imminent persiste.  
Aucune sanction ne peut être prise, aucune retenue de rémunération ne peut être effectuée à l’encontre d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou pour leur santé.

! Attention, la notion de « danger grave et imminent » peut être jugée subjective et ne pas être reconnue par l’administration ! Dans ce cas l’employeur ne peut vous imposer le retour au travail qu’avec un ordre écrit et nominatif.
Un recours jugé abusif par l’administration peut éventuellement donner lieu à un retrait de salaire ou une sanction. Nous vous conseillons alors de vous rapprocher du syndicat pour étudier une contestation administrative.
         

ET POUR LE COVID-19, LE DROIT DE RETRAIT EST-IL-POSSIBLE ? 

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Le cas des personnels à risque  
A savoir : les personnels « à risque » ne sont pas concernés par le droit de retrait ! Ils pourront (sur avis médical) rester en télé-travail à domicile ou bénéficier d’une ASA (autorisation spéciale d’absence).  Voir la liste des pathologies retenues par le Haut Comité de Santé Publique  .
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Lors de son audition au parlement du 21 avril, Jean-Michel Blanquer a déclaré « qu’ aucun droit de retrait ne saurait être demandé par les enseignants ». Cette déclaration ahurissante – le droit de retrait s’exerce mais ne se demande pas – est dans la ligne de l’interprétation très restrictive du gouvernement depuis le début de l’épidémie (voir la note de la DGAFP). 
Ce n’est pas acceptable ! Par nature notre travail se fait au contact avec le public et les établissements scolaires sont des « lieux de regroupements massifs » ou le « risque de transmission est important » (avis du conseil scientifique du 20 avril).  L’exposition au risque de contamination au coronavirus est bien réel et peut caractériser un « danger grave et imminent » :

  • en l’absence de stratégie de prévention des risques sanitaires et de « protection collective » adaptée à l’établissement qui doit se traduire notamment par une réactualisation concertée du DUERP (Voir encadré) et la consultation des CHS dans le 2nd degré ;
  • en l’absence de protections individuelles (pas de masques, de gants, de gel…) ;
  • si les règles de prévention et de sécurité ne sont pas respectées (pas de point d’eau pour se laver les mains, impossibilité d’établir les gestes barrières, mauvaise aération des locaux, absence de désinfections régulières…).

Rappelons que le premier français décédé est un professeur de Crépy en Valois, notre santé ne doit pas être prise à la légère ! Dans ce cadre, les agent·e·s mis·e·s en danger (voir critères plus haut) ont la légitimité pour exercer leur droit d’alerte et de retrait.

En cas de doute, demandez conseil au syndicat. En cas de conflit avec la hiérarchie, des préavis de grève déposés par les organisations syndicales représentatives couvrent toute la période et permettent d’engager un rapport de force collectif pour notre santé et sécurité.

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Le DUERP et la prévention dans les établissements

Les préconisations nationales de prévention COVID-19 doivent être adaptées dans les établissements notamment avec la réactualisation du document unique de prévention des risques (DUERP)
En effet, chaque établissement doit établir et réactualiser annuellement le DUERP sous supervision des directions/chefs de service et en concertation avec les personnels ou leurs représentant·e·s (dans le secondaire le pilotage peut se faire par le CHS). 
Mais celui-ci doit aussi être réactualisé :

  • Lors « d’aménagements importants modifiants les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail »
  • « Lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie ».
    Cela doit être le cas avec la réorganisation et les nouveaux risques liés à la pandémie. La circulaire B9 n°10 MTSF1013277C de 2010 précise d’ailleurs le cas de « pandémie grippale ».

Attention il ne s’agit pas de faire un copier/coller des préconisations nationales ! Nous invitons les personnels et les équipes syndicales à se saisir de cette procédure de manière pointilleuse dans chaque établissement préalablement à une éventuelle réouverture. Attention l’absence de document comme sa rédaction peuvent avoir des incidences juridiques en cas de préjudice subi par les agent.e.s (voir encadré sur la responsabilité de la hiérarchie). Concernant le coronavirus, il convient d’identifier tous les éléments (locaux, organisation du travail et fonctionnement général de d’établissement…) faisant courir un « risque » d’exposition au « danger ». En cas de désaccords, nous invitons à saisir immédiatement le CHSCT compétent. 

NB : les avis déjà formulés par les CHSCT lors de l’accueil des enfants des personnels soignants pendant le confinement sont particulièrement utiles.
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Bon à savoir : les responsabilités de la hiérarchie

Dans la Fonction publique d’État : « les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ».  (art 3 décret 82-453)
Dans la Fonction publique territoriale : « Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité » (art 2 décret 85-603).  
A ce titre l’évaluation et la prévention des risques relèvent des obligations de notre hiérarchie comme pour un employeur classique. Voir les neuf principes généraux de prévention définis à l‘article L4121-2 du code du travail
Cette responsabilité peut avoir des conséquences juridiques en cas de préjudice subi par les agent·e·s ! Il sera utile de le rappeler en cas d’autoritarisme de la hiérarchie locale qui voudrait faire appliquer de manière zélée la reprise du travail, y compris dans des conditions dégradées. 
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Sources :