Confédération : Interview de Cyril LAZARO, section syndicale CNT-Solidarité Ouvrière à Disneyland Paris

Cyril LAZARO est représentant de la section syndicale CNT Solidarité Ouvrière à Disneyland Paris


Bonjour Cyril. L’actualité est toujours riche à Disneyland Paris, alors où en est-on après la divulgation du rapport de l’Institut du Travail sur les organisations syndicales de l’entreprise, rapport qui reléguait les représentants syndicaux de l’entreprise au rang d’ « analphabètes », selon les dires de la responsable CFDT de l’entreprise ?

– Cyril. C’est un bien triste constat, mais c’est un constat réaliste. Le faible niveau des organisations syndicales de l’entreprise a été façonné au fil du temps par la Direction de l’entreprise, et l’on pourrait faire fi de ce bilan si les luttes syndicales nécessaires étaient menées avec le cœur et dans l’intérêt des salariés. Malheureusement, le bilan de l’Institut supérieur du Travail mentionne aussi les querelles intestines, le culte du chef, et si l’on rajoute à cela les malversations du Comité d’Entreprise, il est évident que les salariés n’ont plus grand chose à attendre de leurs représentants et de leurs organisations syndicales.

Tu as milité ces dernières années à la CGT, tout d’abord pourquoi, et quel enseignement en tires-tu ?

– Après avoir analysé le fonctionnement de l’entreprise, il me semblait évident que le changement ne pouvait se faire qu’en changeant la représentation CGT de Disney, empêtrée dans le scandale des malversations du Comité d’Entreprise, et dont l’avocat de la CFDT avait déclaré qu’elle était devenue le supplétif de la Direction, ce en quoi il avait parfaitement raison. J’ai donc essayé de changer les choses de l’intérieur, soutenu par de nombreux camarades à l’extérieur que je salue, mais le fonctionnement structurel de la CGT n’a pas permis d’aboutir. Lorsque vous avez une Fédération du Commerce dont dépend le syndicat de Disney qui prend fait et cause en faveur des représentants de Disney (qui sont eux mêmes élus à la Fédération du Commerce), il n’y a pas de possibilité de changement. C’est une façon de verrouiller les choses qui me semble illogique, mais je crois que ce n’est plus le bon sens qui détermine le paysage syndical actuel, et on n’est plus à un non sens près.

Tu as donc décidé de créer la CNT Solidarité Ouvrière à Disneyland Paris…

– Tout à fait. Nous sommes à un an des élections professionnelles dans l’entreprise, et je crois que les salariés sont en droit d’avoir une représentation syndicale plus conforme à leurs intérêts.

Pourquoi penses-tu que la création d’une nouvelle section syndicale puisse changer les choses ?

– Je ne le pense pas, je l’espère, ce qui est très différent. La création de la CNT Solidarité ouvrière va offrir aux salariés de Disneyland Paris la possibilité de se positionner différemment, et de ne pas être dans l’obligation de reconduire une fois de plus les mêmes pour les représenter. La CNT Solidarité Ouvrière a l’avantage de ne porter aucune casserole, de pouvoir se construire sur des bases saines, et de jouer un vrai rôle dans les mois à venir sur le plan des revendications.


Comment la Direction de Disney va-t-elle percevoir la venue de ce nouveau syndicat dans le paysage déjà chargé en termes d’organisations syndicales ?

– La Direction le prendra comme elle veut. Je ne m’attends pas à ce que nous soyons accueillis à bras ouverts. La Direction a pris son rythme de croisière avec des organisations syndicales qui ne sont pas au niveau, la création de la CNT Solidarité Ouvrière ne peut donc que la déranger, mais au-delà du bon vouloir de l’employeur, il y a tout de même l’intérêt des salariés qui reste la priorité, même si nombre d’organisations syndicales de l’entreprise l’ont oublié. La CNT sera là pour le rappeler, et que l’employeur le veuille ou non, il ne pourra pas s’opposer à la création de ce nouveau syndicat dans l’entreprise, surtout dans le climat actuel. Vouloir faire barrage à la création de la CNT Solidarité Ouvrière reviendrait à confirmer que l’employeur entend choisir ses « partenaires sociaux », et vu le bilan de cette collaboration, il vaudrait sans doute mieux ne pas l’étaler une fois de plus devant les tribunaux et la presse.

Que pensent les camarades qui t’accompagnent dans cette aventure ?

– Certains ont déjà eu une expérience syndicale au sein de l’entreprise, d’autres découvrent cet univers, mais ils en ont tous marre de se faire spolier par des accords qui font que depuis une dizaine d’année la régression est constante pour les salariés en termes de flexibilité, de polyvalence, de reconnaissance salariale… Tous les accords vont uniquement dans le sens de l’employeur et nous faisons tous le même constat, sur le terrain les salariés n’en peuvent plus et aspirent à retrouver un équilibre qui leur permette au minimum de pouvoir organiser leur vie familiale sainement. Les changements d’horaires, de shifts, de locations, de jobs, Disney ne respecte plus rien. L’optimisation du temps de travail prônée par l’employeur se transforme peu à peu en esclavage pour les salariés, et ceux qui osent dire non se retrouvent mis au rang des salariés indésirables et sont poussés vers la porte. Cela ne peut plus durer ainsi, et puisque les organisations syndicales peuplées de permanents déconnectés de la réalité du terrain ne disent rien, la CNT Solidarité Ouvrière le dira haut et fort. On verra bien si les salariés adhèreront à ce projet de changement qui vise à leur redonner un droit de parole au sein de l’entreprise.

Cela s’annonce donc très compliqué en apparence…

– Oui et non. Les grands changements surviennent toujours de la volonté d’un petit nombre à le provoquer. Si les salariés retrouvent une petite lueur d’espoir, la Direction de l’entreprise devra en tenir compte. Si tel n’est pas le cas, Disney continuera à mener une politique du tout pour les uns, rien pour les autres.

À titre individuel, qu’est-ce que cela va t’apporter ?

– Du travail supplémentaire. Cela fait des années que je milite et ce ne sera qu’un combat de plus. Les camarades de la CNT Solidarité Ouvrière me semblent très motivés pour m’accompagner dans cette nouvelle lutte, et aujourd’hui, il semble normal que les salariés se tournent vers un syndicalisme pus combatif, plus radical aussi, car en face de nous le patronat ne cesse de grignoter nos acquis, et les grosses structures syndicales ne jouent plus le même rôle qu’auparavant, à croire que le fait qu’il y ait un gouvernement de gauche les inhibe. Il appartient donc aux travailleurs de se tourner vers d’autres formes de militantisme et d’essayer d’apporter de nouvelles solutions à cette « crise » qui est très loin d’être finie puisque toutes les mesures qui sont prises sur le plan national vont nous entraîner pendant des dizaines d’années sur la voie du recul social, et que les mesures qui seront prises demain enfonceront le clou davantage…


Je te remercie Cyril pour ton analyse de la situation sans langue de bois, et bonne chance pour l’avenir.