Canicule et travail : droits des salariés et obligations des employeurs en cas de forte chaleur

Comme chaque année, une veille sanitaire a lieu entre le 01er juin et le 15 septembre pour prévenir les risques liés aux fortes chaleurs et épisodes caniculaires. Ces phénomènes météorologiques affectent aussi nos conditions de travail et peuvent mettre en danger notre sécurité. Faisons valoir nos droits : cet article fait le point sur les protections prévues pour la santé des travailleurs-euses. En cas de problème, n’hésitez pas à prévenir le syndicat !

N’oublions pas qu’il ne s’agit que de droits minimums : par exemple le droit du travail ne précise pas encore de seuils de température précis pour déclencher des mesures de protection ! Nous devons revendiquer des protections encore plus fortes face à des phénomènes météos toujours plus intenses et précoces !

Au regard des articles L. 4121-1 et suivants et articles R.4121-1 et suivants du code du travail, les employeurs ont la responsabilité de prendre les mesures nécessaires visant à assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de leurs établissements, en tenant compte notamment des conditions climatiques. Des mesures plus ciblées sont aussi prévues. Voir ci-dessous les mesures qui s’imposent aux employeurs dans le cadre du droit du travail et de différents textes réglementaires.

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A savoir : la canicule est déclarée en cas de dépassement de seuils de température le jour et la nuit pendant 3 à 5 jours d’affilé. Attention, ils sont différents suivant les départements (Voir le tableau joint).
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Les niveaux de vigilance météorologique :

  • Le niveau de vigilance vert : période de veille sanitaire (activée automatiquement du 1er juin au 15 septembre).
  • Le niveau de vigilance météorologique jaune correspond à un pic de chaleur : exposition de courte durée (1 ou 2 jours) à une chaleur intense présentant un risque pour la santé humaine, pour les populations fragiles ou surexposées notamment du fait de leurs conditions de travail ou de leur activité physique. Il peut aussi correspondre à un épisode persistant de chaleur : températures élevées (indicateurs biométéorologiques IBM proches ou en dessous des seuils départementaux) qui perdurent dans le temps (supérieur à 3 jours).
  • Le niveau de vigilance météorologique orange correspond à une canicule : période de chaleur intense pour laquelle les IBM atteignent ou dépassent les seuils départementaux pendant 3 jours et 3 nuits consécutifs, et qui est susceptible de constituer un risque sanitaire pour l’ensemble de la population exposée.
  • Le niveau de vigilance météorologique rouge correspond à une canicule extrême : canicule exceptionnelle par sa durée, son intensité, son extension géographique, à fort impact sanitaire pour tout type de population, et qui entraîne l’apparition d’effets collatéraux notamment en termes de continuité d’activité.

Pour s’informer, voir la : carte de vigilance Météo France

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Mesures à appliquer pour les employeurs

(Source : ministère du Travail)

Afin de limiter les accidents du travail liés aux conditions climatiques, quelques mesures simples doivent s’imposer aux employeurs.

Tout employeur doit :

– Intégrer au « document unique » les risques liés aux ambiances thermiques et adopter les mesures de prévention permettant d’assurer la santé et la sécurité des salariés (Article R4121-1) ;

Dans le secteur du BTP, mettre à la disposition des travailleurs un local de repos adapté aux conditions climatiques ou aménager le chantier de manière à permettre l’organisation de pauses dans des conditions de sécurité équivalentes (Article R4534-142-1). Mettre à disposition des travailleurs trois litres d’eau potable et fraîche au minimum par jour et par salarié (Article R4534-143).

– Mettre à disposition de l’eau potable et fraîche (Article R4225-2);
– Renouveler l’air de façon à éviter les élévations exagérées de température, dans les locaux de travail fermés où les travailleurs sont appelés à séjourner (Article R4222-1).

– S’assurer que le port des protections individuelles et les équipements de protection des engins sont compatibles avec les fortes chaleurs ;
– Prendre les mesures organisationnelles adéquates pour que les travaux se fassent sans exposer les salariés ;
– Prévoir des aides mécaniques à la manutention ;
– Veiller à ce que les conducteurs d’engins et de véhicules ne soient pas exposés à des élévations de température trop importantes ;
– Porter une attention particulière aux jeunes travailleurs. Rappel : Un jeune (moins de 18 ans) ne peut pas effectuer des travaux l’exposant à une température extrême pouvant nuire à la santé, par exemple, travaux extérieurs sur les chantiers (Article D4153-15).

Attention, les locaux climatisés doivent être évacués si la température intérieure atteint ou dépasse 34 °C en cas de défaut prolongé du renouvellement d’air (recommandation CNAM R.226).

Mesures à appliquer en cas d’alerte « vigilance rouge » par Météo France

Il appartient à l’employeur, au titre de son obligation de sécurité, de procéder en phase de vigilance rouge à une réévaluation quotidienne des risques encourus par chacun des salariés en fonction :
– de la température et de son évolution en cours de journée ;
– de la nature des travaux devant être effectués, notamment en plein air ou dans des ambiances thermiques présentant déjà des températures élevées, ou comportant une charge physique,
– de l’âge et de l’état de santé des travailleurs.
En fonction de cette réévaluation des risques :
– l’aménagement de la charge de travail, des horaires et plus généralement de l’organisation du travail doivent être ajustées pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs pendant toute la durée de la période de vigilance rouge.
– la liste des salariés bénéficiant du télétravail doit être réexaminée, en prêtant une attention particulière aux femmes enceintes, aux personnes souffrant de pathologies chroniques ou en situation de handicap, etc.
Si l’évaluation fait apparaître que les mesures prises sont insuffisantes, notamment pour les travaux accomplis à une température très élevée et comportant une charge physique importante, par exemple travaux d’isolation en toiture ou de couverture, manutention répétée de charges lourdes, l’employeur doit alors décider de l’arrêt des travaux.

Recours des salariés au regard de la mise en œuvre des mesures incombant à l’employeur

Le salarié qui :
– constaterait qu’aucune disposition n’a été prise,
– considérerait que les mesures mises en œuvre apparaissent possiblement insuffisantes au regard des conditions climatiques constatées,
– se verrait opposer un refus par l’employeur quant ses demandes d’aménagement et, en premier lieu, s’agissant de la mise à disposition d’eau fraîche et de locaux suffisamment aérés, serait fondé à saisir les services d’inspection du travail qui apprécieront si les circonstances climatiques et la situation dans laquelle il était placé justifiaient ou pas la mise en œuvre des dispositions prévues aux articles R4225-1 et suivants du code du travail.

En fonction de la taille de l’établissement, le salarié dispose également de la possibilité de solliciter le CHSCT ou à défaut le délégué du personnel.

Dans ces conditions l’exercice du droit d’alerte et de retrait peut être envisagé (contacter le syndicat auparavant).

Rappel : selon les articles L.4131-1 du code du travail, le travailleur dispose d’un droit d’alerte et de retrait en cas de danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé. Il alerte immédiatement l’employeur à propos de toute situation de travail laissant supposer qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il peut se retirer d’une telle situation sans encourir de sanction ni de retenue sur son traitement ou son salaire. Le représentant du personnel au CHSCT dispose lui aussi de ce droit d’alerte de l’employeur (article L.4131-2).

Indemnisation ou récupération des heures perdues pour cause de canicule en cas d’activation du niveau orange ou rouge par Météo France

Récupération des heures non travaillées

Les dispositions relatives à la récupération des heures perdues pour cause d’intempéries peuvent être mobilisées. A défaut d’accord, la récupération des heures ne peut avoir pour effet d’augmenter la durée du travail de plus d’une heure par jour, ni de plus de 8 heures par semaine ;

Recours au dispositif d’activité partielle

Une indemnisation peut être sollicitée par toute entreprise ayant dû interrompre le travail au titre du dispositif « activité partielle » (article R. 5122-1 du code du travail).

Dispositif spécifique pour les entreprises du BTP

En cas d’interruption du travail, les employeurs doivent s’adresser prioritairement à la caisse régionale de congés intempéries du BTP (article L. 5424-8 du code du travail).


Attention : les trois dispositifs évoqués ci-dessus ne sont pas cumulables.

Les travailleur-euses sans-papiers ne sont pas des travailleurs-euses sans droit !

Dans deux jugements récents rendus le 25 avril 2023, le Conseil des Prud’hommes de Lyon le réaffirme : les travailleurs-euses sans-papiers sont, à compter de leur embauche, « assimilés à des travailleurs régulièrement embauchés au regard des obligations de l’employeur » (L8252-1 du Code du travail).

Autrement dit : le code du travail s’applique à toutes et tous dans la plupart de ses dispositions, que les salarié-es soient, ou non, titulaires d’un titre de séjour.

Ainsi, dans une première affaire qui opposait un salarié sans-papier embauché au noir à son ancien employeur, une entreprise du BTP, le Conseil reconnaissant l’existence de la relation de travail condamne la société au versement de salaires et de l’indemnité de travail dissimulé et affirme : « conformément à l’article L8252-1 du code du travail, les dispositions légales et conventionnelles s’appliquent et ce même en l’absence d’autorisation de travail ».

L’employeur, en conséquence, est condamné au versement de rappels de salaires, congés payés et d’une indemnité de travail dissimulé (6 mois forfaitaires).

Le Conseil va en outre plus loin en constatant que l’employeur qui privait le salarié de bulletins de salaires, l’a également privé de la possibilité d’une régularisation de sa situation en Préfecture et le condamne à des dommages et intérêts pour perte de chance :

La deuxième affaire opposait, elle, un travailleur sans-papiers régulièrement embauché dans une boulangerie à son ancien employeur, lequel non seulement profitait de la situation précaire du salarié pour le faire travailler au-delà de son horaire contractuel sans jamais lui payer la moindre heure supplémentaire, mais en plus l’humiliait au quotidien, usant de propos discriminatoires et racistes, ce que le Conseil ne peut que constater et condamner :

Par ces deux décisions, le Conseil le réaffirme : les droits élémentaires du travail et la dignité sont dus à tous les salarié-es, qu’ils soient ou non en situation régulière.

Le syndicat CNT-SO, aux côtés de tous les travailleurs-euses, s’engage à faire respecter nos droits : contactez le syndicat !

Salarié·es du privé : 10 règles d’or pour défendre ses droits !

1. Ne signez jamais un document que vous ne comprenez pas !

2. Temps de travail maximum : 44h par semaine ; 10h par jour.

3. Temps de repos obligatoire : 11h entre deux journées de travail ; une journée par semaine minimum.

4. Des salaires minimum sont déterminés par les conventions collectives, en fonction de vos qualifications : vérifiez bien les grilles de salaires de vos secteurs !

Si la convention collective ne le prévoit pas, le salaire minimum de croissance (SMIC) est déterminé chaque année. A partir du 1er octobre 2021, il est de 10,48 euros.

Les heures supplémentaires, heures de nuit et heures travaillées le dimanche sont majorées ! En cas de doute, relevez chaque jour les heures que vous effectuez.

5. Les abonnements pour les transports publics sont remboursés à 50% par l’employeur.

6. Salarié·e·s à temps partiel, des règles spécifiques s’appliquent !

  • Votre contrat doit être écrit et préciser vos horaires de travail.
  • Il existe un volume horaire minimum définit par votre convention collective. A défaut, il est de 24 heures / semaine (code du travail).
  • Votre patron ne peut pas changer votre volume horaire sans obtenir votre accord (signature d’un avenant).
  • Vous pouvez refuser une modification horaire si elle n’est pas compatible avec une obligation (autre emploi, formation, raison familiale, etc.)

7. Vous devez demander vos congés payés au moins un mois à l’avance, par écrit. Si le patron ne répond pas, prenez conseil auprès de votre syndicat.

8. Au moment de votre embauche, puis une fois tous les 5 ans, vous devez voir la médecine du travail.

9. Le patron doit vous fournir tous les équipements pour protéger votre santé et assurer votre sécurité sur le lieu de travail.

Si vous êtes victime d’un accident du travail, il doit être immédiatement déclaré par votre employeur à la CPAM.

10. Pour faire respecter vos droits ou en demander de nouveaux, vous pouvez faire grève : demandez conseil à votre syndicat !